comme le souvenir est voisin du remords // jean

nom complet ◇ Quelques syllabes qui s’abattent au rythme d’une comptine aussi ancienne que désuète. Labat, c’est la relique d’un jadis que les prolétaires oublient, car la carne se raréfie. Les tubercules farineuses remplacent la saveur musquée du bœuf et l’amertume du canard. Labat, c’est L’Abattoir que sa famille possédait lorsqu’ils vivaient encore dans les tréfonds miteux de la Normandie ; des champs et des pâturages à perte de vue, et une propriété qu’ils ont perdu à un jeu de dés. Ce patronyme se tronque et s’ampute au fil des ans. Et Jean n’est plus qu’un Saint qui s’ignore dans une Église à laquelle plus personne ne croit. Sa foi réside dans le vestige d’une lignée qui s’oublie. C’est le fils d’un rien—un moins que rien. date et lieu de naissance ◇ L’ironie du sort le frappe d’un 31 octobre. C’est famélique qu’il s’échappe d’entre les tripes de sa mère sous le joug d’un bistouri à l’aube de la Toussaint. Un peu dans la vie, et un autre déjà dans la mort. Et ce n’est pas un cri qu’il pousse pour la première fois sous le smog de Paris, mais un un peu de toux. âge ◇ Les décennies le rident et l’enlaidissent. Il s’imagine plus grand qu’il ne l’est, et plus épais. Il rêve, non—il désire s’épaissir au rythme des coups de poings qu’il n’ose pas écraser sur la gueule des autres. Trente-sept ans s’accumulent sur sa peau noircie par la suie des locomotives qui sillonnent la ville, et la poussière des tombes qu’il balaye. état civil ◇ La sentence s’abat sur lui sous la forme d’une maladie. Son mariage, c’est un champ de ruines et de mines. Si jeunes et si bêtes, Élise et lui se précipitent à leur perte. Ils se dépêche de le lui demander, sa main, à la dérobée et à la volée—il s’empresse de l’épouser ensuite pour se délester de la pression que ses parents exercent sur son dos. Il ne veut pas, il ne l’aime pas et pourtant, il lui glisse une bague à l’acier usé à l’annulaire. Elle le veut, et elle l’aime aussi un peu ; assez pour accepter de s’installer dans la maison qui jouxte le cimetière. C’est normal qu’il l’y enterre. Veuf depuis presque dix ans—depuis toujours et jamais à la fois. occupation ◇ C’est une barricade inébranlable qui sépare les morts, de tous les autres. Ils ne se réveilleront pas tant qu’il veillera sur eux. Tant qu’ils époussettera les lits de pierres sur lesquels ils reposent. Jean, c’est le gardien du cimetière du Père Lachaise. organisation ◇ Il tolère les spectres d’une révolution qui se délite et s’emmêle au smog de Paris. Des murmures ricochent sur les pierres tombales pour mieux se perdre entre elles. Et Jean devient sourd, aveugle et muet le temps d’un soir qui s’étire sur la nuit. L’Ordre de Plomb périt, et survit ici. groupe ◇ Le fer se plie aux désidératas des uns et des autres. Il s’imagine aussi imperturbable et immuable qu’un sarcophage, sans savoir qu’ils se font encore piller aujourd’hui. faceclaim et crédits ◇ Henry Cavill. // gif d’une source inconnue sur tumblr, citations tirées des œuvres écrites de Victor Hugo et cinématographiques d'Akira Kurosawa.