Érosion nocive

• 9 décembre 1905 | Paris Loi sur la séparation de l'Église et de l'État passante, les liens familiaux se tarissent au gré des écrits et des rencontres devenant de plus en plus rarissimes. Les germanophones sont écartés, plus par sauvegarde que par nécessité.

• 1919 | Paris Alors que la conscription est obligatoire à l'entrée de la vingtaine, c'est à l'aube de sa majorité que le môme entre à l'École militaire de Paris. École de prestige qui accueille la fleur des hautes sphères. Noblesse et bourgeoisie se confondent, au même titre que les nationalités et les cultures. Morceau de vie qui laissera son emprunte, autant dans l'application de la discipline que l'humanité enfuie sous l'échine vénitienne. Cinq années richissimes. Terme qui apposera le grade d'officier supérieur. Légion étrangère choisie par conviction. Il sera maître en stratégie militaire.

•1927 | Paris Création de l'Ordre du Mercure sous l'impulsion impériale. Pour ses talents, on viendra l'extirper pour rejoindre les rangs de cet Ordre. Officier la Quaere. Privilégier. Acceptation. Tournant le dos à quelques valeurs humanistes apprises, fomentant l'action concrète de ses décisions, goûtant à l'adrénaline du terrain. Le succès est au rendez-vous.

• 1929 | Paris Le Fauve se dissimule parmi les sièges d'un théâtre au velours rougeoyant. L'attaque est violente. Mordante. Cœur arraché. Épris. Apprivoisement long et laborieux qui se concrétisera finalement dans un mariage doux-heureux. Une des plus belles unions qui s'est donnée aux yeux des agents mercuriens. Leur duo devient un incontournable des tatoués. Ils sont faits l'un pour l'autre. Se complètent. S'aiment plus fort que ce qu'il n'est permis. La Passion s'est éprise de lui, délaissant les quelques prétendantes inintéressantes d'une aristocratie fatigante.

• 1932 | Paris Au creux de son esprit se construit une carrière exemplaire. Une utopie à laquelle il s'adonne laborieusement. Il se consacre corps et âme à cette vie idéale qu'il touche du bout du doigt lorsque des entrailles de sa femme, nait Madeleine. Accomplissement d'une vie de famille parfaite à laquelle il aspirait. Mais l'ogre en demande plus. L'apogée de sa vie n'est guère loin considérant son implication dans l'évènement Garnier, la promotion lui est promise. L'année suivante, il fera partie des fouineurs débusquant les leaders de Septembre Noir. L’exécution publique nourrit une satisfaction grisante.

• 1938 | Paris Son investissement – aux méthodes aussi violentes ou morbides soient-elles – est couronné de succès. Ce jour-là, il fut l'homme le plus heureux du monde. Devenu commissaire de l'Ordre du Mercure, père d'une famille exemplaire, mari d'une femme fidèle aux ambitions semblables, c'est là la place qu'il a toujours chéri. Bourreau médaillé au bonheur fondé. Mérite qui l'aura détourné de sa famille, négligeant quelque peu sa vie privée. Mais le prix sera bien plus cher pour un tel titre. Le soir même, sa fille rendra son dernier souffle...

• 1939 | Paris Le divorce est inévitable. Face au deuil, les mots meurent dans le gosier. Il n’est plus un mari pour sa femme qui s’éloigne. Le rêve est brisé et les voilà détruits. Elle s’émancipe par leur séparation, retrouve son nom de jeune fille. Les regards de biais se font nombreux alors qu’ils étaient un duo presque emblématique des agents de l’Ordre. Brisé, le quarantenaire ne se raccroche qu’à son travail dans lequel il excelle. Il est un commissaire redoutable et redouté qui use de la violence physique sans sourciller. Une machine…

• avril 1941 | Paris Aujourd’hui, rien n’a changé. S’octroie des instants perdus dans les bras de femme louées qui portent parfois les stigmates de son état d’esprit. Les malfrats dans ses filets, regrettent d’avoir vu le jour. L’Ordre du Mercure se porte bien avec un tel nettoyeur. Mais l’esprit et le cœur s’effritent au fur et à mesure que le temps passe… Il se voit vieillir sans cette vie qu’il a rêvée et nourrie. Ses anciennes influences remontent. Le perturbent… Mais il est un soldat de l’empire ne pouvant se permettre cette faiblesse.