noctis you are king | ephemer

Mélodie des airs de Mozart qui sortent du poste radio de la grande salle. Ephemer affalé sur l’un des fauteuils dorés, les jambes sur l’accoudoir. La fumée lui sort de la bouche tandis qu’il parle sans relâche. Conseil familial sur la distillerie qui fait leur noble nom.
Miroir, miroir dans le grand couloir. La mine défaite d’avoir trop fêté. Il claque sa paume contre sa joue morne, pour se donner la contenance qu’il lui faut. Tout est là, comme tous les jours. Quotidien bien huilé, ancré dans sa peau. Costumes sur mesure depuis qu’il peut en mettre. Sans oublier un ornement. Une parure de plus pour montrer que tout est plus beau chez eux. Plus merveilleux. Jusqu’au talon doré de leurs pompes. Les initiales des De Staël sur les boutons de manchette, sous les semelles. Pour laisser l’empreinte fabuleuse dans la poussière de la rue. La marque sur les fronts éclatés. Il a le costume blanc contre sa peau pâle. L’immaculé qu’il aime offrir ce vendredi, en bon ange qu’il affiche toujours quand il le doit. Il rassemble ses dossiers sous son bras. S’il est dépravé, il est pas désorganisé. Consciencieux dans tous ce qu’il faut. Et comme il est las de cette vie ridicule. On le rattrape, il n’a même pas entendu les pas haletant derrière lui.

- Eph ! Il est arrivé quelque chose à Orphée.

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Comme le soir est beau pendant que le bruit de ses chaussures de villes claquent contre le carrelage immaculé. Il voit les lumières de la ville à travers les vitres infinies. La nuit n’attends que lui maintenant qu’il se retire dans ses appartements. Vaste, indéfinissable, chez-lui. D’un dernier souffle, il expire la fin de son mégot et l’écrasa avec force dans l’un des cendriers de marbre du couloir. Des cendriers en marbre, rien que cela. On viendrait les nettoyer pour lui.

Doux cliché de ce que l’on attend de la richesse opulente qui leur sort par tous les orifices. Enfin, la chambre aux rideaux ivoirins et à la tapisserie virginale. Ironie quand il sait à quel point son âme souillée a juré en ces murs.

Orphée. Tragique Orphée.
Le même nez menu.
Les mêmes boucles noires.
La mine insolente et lunatique.
Il se souvient de leurs rires d’enfants et de l’innocence qui n’avait pas encore pris la fuite. Sa soeur était comme un baume miraculeux, capable de soigner tous ses maux, toutes ses peurs les plus secrètes.
Elle était la lumière et il est l’obscurité.
Elle rayonnait, comme un ange, alors que lui, joue dangereusement avec le diable et ses démons. Monde de noirceur, de tristesse, d’abandon, de corruption et surtout, de solitude dans la grandeur. Fusionnels, indissociables que l’on confiait aux jumeaux. Orphée et Ephemer, toujours heureux ensemble, se comprenant toujours, instantanément. Habitués à tout partager étant enfants,  à ne pas se sentir complet sans la présence de l’autre. Mais ce n’était pas seulement cela. Il n’allait jamais bien quand elle allait mal.

Et il est mort avec elle.

Puisqu’il enchaine nicotine sur nicotine, il en allume une autre. Histoire de sur-noircir ses poumons. Le holster d’épaule ne l’a pas quitté. Réflexe ancré en lui comme une seconde peau, il ne pourra plus jamais s’en détacher. C’est pour cela qu’en le retirant, faisant claquer l’acier de l’arme à l’intérieur contre le verre de la table, il se sentit vulnérable. Le silence de sa chambre l’assomme. Insupportable. Il doit… se barrer de là.