Berges du fleuve Jamais on n'a connu les quais de Seine aussi animés que durant les cinquante dernière années. Avec l'avènement du steamboat, le fleuve est navigué à l'envie, permettant de relier la ville à ses périphéries, mais emprunté également pour le commerce de biens et de ressources. De nombreux embarcadères ponctuent les rives, mais aussi des échoppes, où l'on vend journaux et babioles. Sur les quais, on flâne, on se promène, mais aussi on s'observe : symbole de la modernité et de l'importance de l'Empire, ils sont comme une vitrine où il fait bon être vu.

Nature sous verre Douze ans déjà que la Serre du Grand Palais a été ouverte au public, douze ans que cet immense bâtiment et sa verrière, construits à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1900, ont été reconvertis en une serre majestueuse, où est maintenue sous verre une biodiversité aussi fastueuse qu'elle est factice ; car quand les plantes ne parviennent plus à percer la suie qui recouvre la terre, il est bien plus aisé de les enfermer sous cloche. Pensée comme une démonstration sans conteste de la capacité de l'Empire à préserver la vie, la serre du Grand Palais est accessible aux parisien·ne·s moyennant une coquette somme, car, maintenant plus que jamais, la nature est un privilège que tou·te·s ne peuvent s'offrir.

Spécimens oubliés Ce cabinet de curiosités à échelle muséale a pour vocation d'acquérir la plus vaste connaissance possible du monde. Si l'on y trouvait, dans les premiers temps, majoritairement des objets étranges et parfois même dérangeants, la collection s'est grandement élargie pour s'étendre à la nature en général, et l'on y trouve aujourd'hui des animaux empaillés et des pierres précieuses rares. Mais ce n'est pas tout : le musée a revêtu une vocation plus prosélyte, tendant à représenter les différents métaux et les artefacts et réalisations alchimiques qui en émanent, comme autant d'outils de propagande du pouvoir en place, qui ne manque pas une occasion d'affirmer sa gloire.

Antre du savoir Remarquable édifice que cette bibliothèque, que l'on appelle communément la Mazarine ; pourquoi s'encombrer de plus ? Fondée au XVIIème siècle et nommée d'après le cardinal éponyme, elle est aujourd'hui la plus ancienne bibliothèque du pays, et s'illustre par le fait qu'elle n'a jamais été fermée au publique. Son fondateur a, en effet, insisté sur sa dimension publique, et toutes et tous peuvent y accéder librement. Ce temple du savoir, tout de bois, de dorures et de rayonnages jusqu'au plafond où trône une splendide coupole en verre. Haut-lieu des scientifiques d'Etat et, clandestinement, de ceux qui vivent sous la Seine, la Mazarine est le théâtre de bien de récentes prouesses intellectuelles.

Bains Les thermes Deligny incarnent l'essence même du faste et de l'ingéniosité qui caractérisent notre époque, car quoi de plus fantasque et virtuose que des bains à même la Seine ? La bâtisse sur pilotis comporte une piscine principale, entourée de colonnades qui donnent sur des cabines où l'on pourra y bénéficier de soins, de baignoires privées, mais également d'inhalations de vapeur, très en vogue pour (selon la légende) lutter contre les maux de la grisaille.

Ville sous l'eau En 1903, après avoir tenté pendant un an d'avertir l'Empire du danger d'abandonner les sciences de la nature, les scientifiques décident de se réunir pour créer l'Orme. Manquant d'un lieu de recherches mais pas dénués de ressources, ils décident de se cacher dans la gueule du loup et de construire une ville sous la Seine. Elle est terminée juste avant la tentative de révolution, en 1932. La ville sous l'eau, baptisée Ulmus (le nom latin de l'orme), est un bijou d'architecture illégale. Ses murs de verre ses longs tuyaux et sa sombre atmosphère forment un cocon pour les chercheurs. On y voit dans son laboratoire passer les déchets rejetés dans le fleuve, des bicyclettes tordues, des poissons, au très loin les pieds des gens qui barbotent à l'occasion. Sur une note plus sombre, les scientifiques sont également aux premières loges des suicides et meurtres par noyade sans être capables d'y faire quoi que ce soit puisqu'il n'y a bien évidemment pas de fenêtre qui s'ouvre à Ulmus. Il y a plusieurs accès, principalement sous les ponts de Paris, mais ils impliquent tous de se mouiller pour accéder au sas d'entrée.