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Gustav Cortenbach

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moments of being ━ maud    Lun 20 Juil - 11:43

C’est parfois lorsqu’on est en pleine lumière qu’on est le plus dissimulé. C’est bien la pensée qui traverse furtivement l’esprit de Gustav Cortenbach, qui du haut de son mètre quatre-vingt-dix, surplombe l’homme qu’il est en train d’ausculter dans le cellier de sa boulangerie. Non pas que cette activité en elle-même était répréhensible. Ce qui l’était, c’étaient bel et bien les traitements expérimentaux ainsi que les opérations pulmonaires de la dernière chance qui risquaient de se succéder une fois que le boulanger serait dans sa dernière année de vie.

Gustav estimait disposer d’une certaine forme de lucidité en ce qui concernait l’état de Santé Publique de l’Empire. Celle-ci était sans doute due aux conversations souvent passionnantes qu’il avait pu entretenir avec sa compagne au sujet des déboires de l’Hôpital de l’Empire, mais son ego bedonnant le poussait à se considérer comme un self-made man, comme disaient les ressortissants d’un pays que son père nommait encore la Perfide Albion, lorsqu’il était jeune. Cela étant dit, il était intimement persuadé que le vif argent ne réglerait pas cette question endémique des poumons goudronnés, usés et que l’Empire s’était lancé dans une aventure industrielle un peu trop extravagante pour garantir leur sécurité et leur santé sur le long terme.

Ce postulat stipulé, Gustav n’aurait tout de même pas fantasmé à propos d’un éventuel coup contre l’Empire et la mise en place d’une dictature verte. Seul un pouvoir fort – et légitime, ce que les mouvements intestins et sous-terrains n’étaient pas, à ses yeux – pouvait les mener dans la bonne direction. Il aurait juste fallu que l’Impératrice, aussi brillante soit elle, s’en rende compte. Embourbé dans ses propres contradictions, il ne se rendit même pas compte qu’il remontait à grands pas les boulevards, suivi de près par les allumeurs de lampadaires itinérants. Très vite, le brouillard se fit bien plus dense et seules des flammes virevoltantes entre quatre parois de verre éclairaient le chemin de l’alchimiste.

Il se fit la réflexion idiote que ses flammes auraient pu être des yeux de créatures nocturnes, perchées sur les lampadaires, dévorant la carne des travailleurs malchanceux et se dissimulant habilement dans la brume omniprésente qui faisait que seules des vieux tableaux pouvaient retranscrire à la perfection l’architecture plaisante des immeubles haussmanniens des boulevards huppés. Même enfant, il ne s’était jamais intéressé au surnaturel et avait toujours favorisé les histoires ayant un pied bien ancré dans le monde réel. Néanmoins, il était fasciné par le fait que les mythes et les légendes les plus abracadabrantesques semblaient toujours revenir au galop lorsque la société s’engageait dans une modernité mal digérée par certains récalcitrants.

Il n’y a aucune créature mystique qui l’attend dans son salon, à l’exception de sa femme, qui arbore un air délicatement courroucé sur son visage exsangue. Rien qu’à la voir, il sait qu’elle est en colère.  

- Je pensais te trouver couchée, Maud, s’étonne-t-il sans prendre la peine de se justifier sur son arrivée tardive.

Une technique de diversion serait la bienvenue.

- Quelque chose te tracasse ? demande-t-il élégamment avant de tousser dans son sempiternel mouchoir, sans se douter qu’il vient d’ouvrir la boîte de Pandore en quelques mots qu’il croyait bien placés.
@Maud Cortenbach


Dernière édition par Gustav Cortenbach le Mar 18 Aoû - 18:42, édité 1 fois
Maud Cortenbach

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Activité : Psychiatre, cherchant a décrypter les mystères du cortex humain, et aider les plus démunis a s'en sortir, ne supportant pas l'injustice et les préjugés que les plus fragiles peuvent subir.
En société : Une petite femme autoritaire et active. Poings sur les hanches, sourire en coin, menton levé et dents acérés au dessus d'une langue d'argent, prête a tout pour avoir gain de cause. Respectée dans son milieu, à la répartie franche, et au curriculum faisant pâlir de jalousie moult badauds. Mais également ménagère raillée pour son couple sans enfant, et incapable de garder son mari dans le lit conjugal.
Organisation(s) : Sympathisante de l'Almeria, dont elle vient en aide avec pièces sonnantes et trébuchantes, et pour panser les plaies des valeureuses.
Besace : Son petit carnet en cuir relié, avec son nom inscrit en lettres dorées, où toutes ses notes se mélangent avec ses pensées, dans un joyeux charivari littéraire. Quiconque aimerait s'aventurer à le déchiffrer serait sujet de sévères maux de têtes.

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Re: moments of being ━ maud    Mar 4 Aoû - 1:47

Moments of Being

Son métier est un métier compliqué. Le poids des années était chaque jour un peu plus pressant sur ses épaules de femmes, mais jamais elle n’arrondissait le dos. Un étrange frêle et petit mur de brique, qui n’a jamais rompu sous la difficulté et les mouts horreurs dont elle a pu être le témoin, ou la confidence. Mais aujourd’hui, elle vit la main ridée du vieil homme agrippée a la sienne, se vider lentement de toute vie, et retomber sur le drap de l’hôpital, après lui avoir confié dans un dernier souffle, ce que l’autre ‘Docteur Cortenbach’ lui avait fait, et expliquer sa surprise quand il a vu une femme arriver.

Ses patients, et d’autant plus les criminels, ont régulièrement hantés ses journées et ses nuits, avec des histoires aussi tragiques qu’insoutenables.  Ces cauchemars étaient ponctués des multiples visions  des geôliers qui laissent tomber matraques et insultes sur des prisonniers, brisant les os et déchirant les chairs, pour les laisser pathétiquement sanguinolents a même le sol. Mais l’image de cette main mourante dans la sienne qui n’aura en guise d’un dernier souffle une énième quinte de toux qu’elle entendait si souvent dès que Gustav était dans les parages, autour d’une bouche couverte d’hémoglobine, dont le visage de Maud fut sinistrement aspergé. On lui avait dit de rentrer immédiatement, ce n’était pas à elle de gérer ce genre d’affaire, elle qui avait été conduite ici sans trop savoir ce qui lui tomba dessus. Elle demanda simplement un linge humide pour essuyer son visage, et continua la journée en solitaire dans son bureau, écrivant dans une chemise au col taché de sang.

Maud ne sait pas couper court, et elle n’était pas certaine que rentrer chez elle, sans son travail en guise de canalisateur pour assembler les lambeaux de pensées qui s’étaient agglutiné dans sa tête et qui étaient indélogeables. Et particulièrement difficile à classer. Maud se vantait régulièrement de savoir très bien gérer le train de ses pensées, mais dès qu’il s’agissait de son mari, il lui était difficile d’agir avec l’intelligence dont elle était pourtant fièrement détentrice. Il suffisait de la voir œuvrer à son travail avec une aisance quasi innée, et a côté contempler le désastre de son incapacité à avoir une discussion sérieuse avec son époux sans que le ton de sa voix prenne des hauteurs spectaculaires.

C’est donc encore engourdi sous le poids des révélations qu’elle est rentrée chez elle, saluant a mi-voix le petit personnel, et demandant poliment un verre de vin, se massant péniblement une épaule sans s’en rendre compte. Un geste rare, qui étonna la femme de chambre, de la part de celle qui semblait tout porté sur ses épaules sans fléchir. Il semblerait que ce monde-là soit un peu trop lourd pour elle.

Verre à peine entamé quand elle entendit la voix de Gustav lui dit qu’il était bien tard pour la trouvé pensive au milieu du salon. Elle cligna des yeux un instant, incapable de savoir si elle était rentrée si tard, ou si cela faisait des heures qu’elle était en train de réfléchir devant son verre. Mais la question fut éludée rapidement, son visage se contorsionnant immédiatement dans une expression courroucée, comme un réflexe d’être immédiatement furieuse dès qu’elle voyait le visage de l’homme qu’elle aimait plus que tous les trésors de Paris. Curieuse habitude au demeurant.

Il pose une question qui peut semblait anodine, pour le commun des mortels, mais qu’il savait être capable d’être aussi dévastatrice que le Vésuve quand il parait à sa femme. Mais c’est le son de sa toux étouffée dans le mouchoir qui manqua de la faire basculer du mauvais côté, et noyer Gustav sous un flot sans queue ni tête de hurlements qui n’aurait ni logique ni but. Mais ce soir, ce soir la situation était très différente. Maud ouvra la bouche, la referma immédiatement, et posa ses deux paumes sur ses paupières un bref instant ‘Pas ce soir.’ Se promit-elle intérieurement. Les disputes ne servaient qu’a noyer le poisson, elle le savait aussi bien que lui.  Le silence qui en suivit était peu habituel, il devait s’en doutait. Mais la toux, si semblable a celle du vieil homme, avait eu l’effet d’un coup de poignard dans le palpitant de sa raison.

Une longue inspiration et elle lâche. « J’ai vu un homme mourir aujourd’hui. » Maud voyait des horreurs chaque jour un peu plus, et particulièrement dans ses visites a la Roquette. Mais la mort restait relativement rare dans son quotidien,  depuis ses années d’études tout du moins. « Monsieur Landreux semblait perplexe de me voir arriver quand il a demandé de voir Cortenbach… » Fit-elle en croisant les bras, regard furieux dirigé vers le sol, n’hésitant pas a utiliser sa verve acide contre lui pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas dupe.  « Je pensais que tu aimerais savoir ce qu’ont donné tes … travaux sur lui. »

C’était donc ainsi qu’il passait son temps ? A rechercher un remède contre cette étrange affliction ? Son esprit scientifique pouvait difficilement lui reprocher d’utiliser des cobayes pour cela, mais son esprit humaniste, lui, était parfaitement outré et révulsé. Elle voulu remonter les yeux vers lui, mais c’est le mouchoir qu’elle fixa, celui dans lequel il étouffait ses râles d’agonie. Voilà des années quelle se doutait du pire, les voilà confirmé. Voilà donc la raison de son égarement mental, incapable de ranger ses pensées entre rage, indignation, tristesse et désespoir.  Elle aurait bien tenté de lui arracher des mains, ce mouchoir, pour en avoir définitivement le cœur net, mais c’est a ce moment qu’elle senti que ses ongles avait pénétré le tissu, la laissant ainsi, trop crispée pour bouger les bras. Elle aurait tout donné pour être spectatrice de la conversation, et trouver toutes les solutions pour mener a bien cet échange. Malheureusement elle était les deux pieds dedans, et elle devait y faire face non pas en tant que médecin, mais comme femme désespérément éprise d’un homme mourant.



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Gustav Cortenbach

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Re: moments of being ━ maud    Mar 18 Aoû - 19:03

Si-len-ce. C'est le mot qui caractérise le mieux leur bel appartement haussmanien : sans doute auraient-ils déménagé en campagne si leurs vies avaient été différentes. Si Gustav ne se serait pas damné pour son gouvernement et si Maud n'avait pas été à la pointe de son domaine. Au fil des années, leur appartement avait perdu en personnalité : on pouvait argumenter quant à la réalité de ladite personnalité, ce spacieux logis n'étant que l'antre d'un jeune couple bourgeois, riche, vivant pour crever à leur travail, les apparats sur les murs, révélateurs d'un modernisme visionnaire et ostentatoire, occultant au final l'absence de vie, de chaleur et de dynamisme entre les quatre murs. Ce salon n'était que le miroir de leur solitude, une bibliothèque de souvenirs avortés, une fleur aurait pu y pousser et offrir le spectacle d'une vie de famille réjouie. Au lieu de cela, le couple évitait d'être enfermé aussi du mieux qu'ils le pouvaient, favorisant dîners entre amis, sorties au théâtre et autres loisirs dignes de leur classe et leur intellect, bien que chaque conversation fut menée sur le fil de la rupture. Peut-être que quand on en arrivait à un certain point, on s'aimait de nouveau, mais Gustav en doutait fortement.

Lorsqu'il a pénétré la pièce, Maud était tellement figée que l'on aurait pu croire qu'elle n'était pas une femme mais une statue, une statue de marbre, une relique que l'on pourrait briser dans l'espoir de déceler ses secrets les plus intimes, la profondeur de ses mensonges et l'immensité de sa mélancolie. Elle avait l'air lasse : Gustav n'aurait su dire si cet air déprimé lui était nouveau, car cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas regardée dans les yeux, trop obnubilé par sa propre personne. A vrai dire, depuis quelques temps, Gustav Cortenbach découvrait un sentiment désagréable et chatouilleux qui lui était inconnu jusqu'alors : la honte. Quel calvaire ? Souffrirait-il de ce tourment durant le reste de sa vie ? Était-ce la charge propre aux gens intelligents et actifs au sein du monde ? Revenons à elle. Il lui aurait bien proposé un massage pour apaiser ses épaules douloureuses, mais l'expression faciale de sa campagne s'affaissa et s'intensifia en un bec de harpie furieuse, prête à lui arracher les yeux et à les déguster sans sommation.

J'ai vu un homme mourir. Son souffle se raccourcit. N'est monstrueux que celui qui se montre indifférent face à l'inéluctable extinction de son prochain. Gustav se courbe légèrement, il est dégingandé, le passage à la quarantaine a fait fondre ses muscles - plus jeune, il pratiquait le tennis avec son plus jeune frère, sa sœur se désintéressant tout particulièrement de la pratique sportive. Mais l'expression agacée de sa femme le dissuada aussitôt de vouloir la consoler ou tout du moins, de lui servir sur un plateau d'argent des formules toutes faites, à peine apaisantes tant elles étaient devenues génériques. Monsieur Landreux. Merde. Parfois, l'ennemi était dans votre propre foyer, il dormait à vos côtés et il fallait s'adapter, retomber sur vos pattes avec la grâce d'un petit rat de l'opéra. Gustav tousse, de manière volontaire cette fois, afin de se laisser le temps de répondre à sa dulcinée qui mérite une explication en bonne et due forme.

- Les choses ont été faites bien trop tard pour Monsieur Landreux. Son destin était déjà acté lorsqu'il est venu à ma rencontre, mais il aura conservé une forme d'espoir, j'imagine, murmure t-il, sans se justifier, sans révéler ce qu'il pense, lui, de ses propres actions.

Il était inutile de mentir. Son visage prouvait qu'elle savait. Mais pas tout. Or, il pouvait feindre la sincérité pure dans l'espoir de la détourner de sa quête de la vérité. Elle n'était pas obligée d'avoir connaissance de toutes ses combines.

- Me juges-tu car tu trouves cela d'un égoïsme abject ? J'aurais pu le sauver, là où personne n'aurait rien pu faire. C'est en forgeant que l'on devient forgeron. Ou est-ce que tu me juges parce que je suis ton mari, et que tu as du mal à concevoir le fait d'avoir un Mister Hyde bien intentionné à la maison .
  
@Maud Cortenbach
Maud Cortenbach

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Organisation(s) : Sympathisante de l'Almeria, dont elle vient en aide avec pièces sonnantes et trébuchantes, et pour panser les plaies des valeureuses.
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Re: moments of being ━ maud    Jeu 10 Sep - 6:16

Moments of Being

Elle ignorait, en toute sincérité, ce qui adviendrait de cette conversation, et les secondes, les heures, les jours , les mois qui la suivraient. Voilà bien des années qu’elle s’était rendue à l’évidence de n’être guère plus que ‘sa femme’, quoique ça peut bien vouloir signifier pour lui. Certainement pas désirable, à peine supportable, et très peu appréciable, ça elle le savait. Il n’était pas avare de compliment en public, et encore moins avec les années qui passaient, et pourtant elle a du mal a se souvenir d’une époque où elle s’était senti plus laide, plus indigente. Certains hommes indécents avaient l’idée saugrenue de lui faire une cours acharnée, mais elle ne les voyait même pas. Elle aurait aimé, pourtant, s’y intéresser de près, ne serait-ce que par vengeance et perfidie. Elle aurait aimé aussi être capable de claquer la porte de leur appartement, lui confiant les clés et dire d’un air impétueux que c’est la dernière chose qu’il aurait d’elle, lui coupant net les vivres. Juste une petite valise sous le bras pour finir ses jours seule et dans une paix relative, dans une charmante maison de banlieue, avec une ou deux personnes maximum en guise de personnel. Ça serait la réponse à tous ses problèmes, et pourtant la simple pensée de faire une chose pareille lui semblait aussi abstrait qu’une peinture.

Gustav ne nie pas. Pas cela en tout cas. Elle voit bien ses épaules s’affaisser, presque autant qu’elle semble affligée.  Le charmant couple dont personne ne doutait de l’instabilité, mais qui pointait le menton vers le ciel en public, n’était désormais qu’un duo bien triste de deux gens affaissés, vieillissant dans leur aigreur et leurs regrets. La diatribe suivante la força a fermer les yeux, et à collecter ses pensées. Elle ignorait ce qu’il tentait de faire, noyer le poisson, ou si espérait déclancher une énième dispute stérile. Elle vendrait sa garde-robe complète pour la seule idée de sauter sur cette occasion pour siffler une énième fois un poison putride sur leur mariage. Mais elle rouvrit les yeux et fit de son mieux pour que sa voix ne chevronne nullement quand elle prononce les mots suivants.

« Tu peux insulter mon intégrité et mon intelligence hors de la maison tant que tu le souhaite Gustav, je m’en moque à présent… »
Avait-elle la moindre preuve qu’il lui avait manqué de respect a l’extérieur de ces murs ? Pas vraiment. Mais si un dixième des rumeurs à son sujet étaient vraies, rien ne la surprendrait. Ceci dit, rien de cela n’avait plus d’importance a présent, balayé et oublié. « … Mais sous notre toit, j’ai besoin que tu sois honnête avec moi. Nous savons tous les deux que cela ne peut pas continuer comme ça. Je suis navrée d’être une bien piètre épouse, mais voilà vingt ans que contre vent et marées, nous partageons le même lit. Si je ne mérite pas ton respect, je mérite au moins de savoir la vérité. »

Avouer ses échecs n’étaient nullement ce qu’elle affectionnait le plus. Au sein de son travail, elle acceptait volontiers de se remettre en question, parce que c’était ainsi que la psychologie pouvait progresser. Le reste du temps, l’égocentrisme et la mauvaise foi faisait rage au sein du foyer. Gustav n’était pas un bon mari. Son père l’avait prévenu, et elle avait bien constaté piteusement au fur et à mesure que les années s’écoulaient. Mais si ils en étaient réduit à cette parodie de ménage, c’était aussi parce qu’elle ne l’avait pas comprit, et qu’elle n’avait pas fait les bonnes choses, et que ses multiples tentatives de redonner un semblant de vie à des cendres froides étaient juste une projection de ce qu’elle souhaite. Nullement adapté à ce dont il a besoin. Les pièces de leur mariage ne s’assemblaient pas, entre les multiples casses et les recollages a qui mieux-mieux. Elle aurait aimé se persuader que c’était l’absence de nourrisson entre ses chairs qui était le début de la fin. Mais en vérité, est-ce qu’un enfant aurait vraiment empêché le naufrage ? Ou est-ce qu’un petit être innocent aurait été le témoin silencieux d’un crash au ralenti ? Le plus ironique restait cette certitude qu’ils se complétaient étrangement bien dans ce pathétique résultat.

« Depuis… depuis combien de temps souffres-tu ? »
Si son regard se perd sur un des portraits de la maison, ironiquement celui de leur mariage, c’est que le regarder dans les yeux seraient trop difficile. Et probablement pour lui épargner son regard qui ne laisse que peu de place a autre chose que la détresse. Il détesterait ça.  Elle le connaissait bien, aussi ironique que cela peut-être.  « Et est-ce que ça empire ? Comme cela a empiré pour Landreux ?... »


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Gustav Cortenbach

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Re: moments of being ━ maud    Mar 15 Sep - 23:37

Il avait conscience que peu importe ce qui adviendrait de cette conversation, les rapports qu’il entretenait avec sa femme ne seraient plus jamais les mêmes. Ou plutôt, ils resteraient les mêmes, mais la distance qui s’était installée entre les deux époux serait à présent assumée, acceptée et non plus drapée de ce sucre hypocrite qui faisait que leur couple resplendissait dès lors du moment où les regards se posaient sur eux. Les choses changeraient car ils cesseraient enfin de s’épuiser dans une performance stérile qui ne convainquait que le monde extérieur : dans cette fêlure du temps, leurs masques venaient de chuter et les vers issus du tombeaux de leurs amours rampaient lentement le long de leurs mâchoires, de leurs yeux, de leurs bouches menteuses et suppliantes.

Gustav se sentait éventré, car il avait délaissé sa femme. Pour les gens de sa caste, élevés dans une tradition conservatrice et plutôt machiste, cela relevait bien plus d’une problématique d’honneur qu’amoureuse. Gustav n’avait cure de l’amour, ça ne payait pas les factures. Ce n’était pas non plus l’accomplissement ultime de l’être, n’en déplaise aux poètes. Et pourtant, il s’en voulait d’avoir échoué à donner le change auprès de sa femme. Paradoxalement, il eût été extrêmement offensant de penser que Maud, avec son intelligence féroce, n’aurait jamais percé à jour ses mensonges. C’était ce qui l’avait séduit en premier lieu, son intellect vivace, rapace même, qui en faisait de compagne de vie digne de lui. Ils auraient pu être parfaitement heureux, s’ils avaient donné naissance à un enfant plutôt qu’à des idées et des discours qui n’intéressaient que les spécialistes de leurs disciplines respectives.

- Ton intelligence et ton intégrité sont des choses que je ne remettrai jamais en question et tu le sais. Ton regard a toujours été complaisant, que tu le veuilles ou non, persifla t-il, sans pitié pour la femme trompée, bafouée.

D’après lui, Maud avait toujours su qu’il était incapable de se contenter d’elle uniquement. Surtout quand leur vie sexuelle s’était tarie. Cela finissait toujours par arriver, chez les couples qui durent. Ses yeux avaient été grand ouverts, mais elle avait refusé de voir. Peut-être avait-elle des aventures, elle aussi… il ne s’était jamais questionné sur le sujet. Il ne lui en voudrait pas. C’était monnaie courante dans leur milieu, notamment car il était si mal vu de se séparer.

- C’est moi, le piètre mari. Plus que piètre. Je suis lamentable… son regard vint se perdre dans les faibles flammes de la cheminée, qu’il aurait souhaitées hypnotiques pour se taire, mais dont il se détourna vite, avant de murmurer, pour la première fois en quinze ans : et j’aurais été un père lamentable, aussi.

Il n’avait jamais voulu se l’admettre, mais la verve amère de son épouse le ramenait à ce qu’il était : un créateur aux mains qui se voulaient divines, mais dont l’amour véritable était chimérique, analytique et anatomique. Et une fois de plus, elle l’amenait vers les sujets qu’il était réticent à aborder. Malgré l’état désastreux de leurs rapports, il ne fut nullement stupéfait de percevoir de l’inquiétude dans sa voix de velours. Le couple était une entité puissante et s’ils avaient été en symbiose, Maud et Gustav aurait faire de Paris leur possession : or, depuis des années, les deux époux se comportaient comme des ennemis, à défaut d’être, à la rigueur, des amants qui comblaient des besoins naturels.

- Quelques mois. Un an, peut-être. Avant, il s’agissait juste de plus de rhumes que d’habitude. Rien d’inquiétant.

Il se tut. Est-ce que ça empire ? Il n’en savait rien. Diable, il se devait d’avouer son impuissance, son manque d’objectivité lorsqu’il se contemplait.

- Je pense que je suis encore dans la phase ascendante. Tu ne vas pas te débarrasser de moi aussi facilement. Il renifla. Cela va t’agacer mais je n’ai pas encore consulté de spécialiste. Je ne voulais pas que cela s’ébruite.

Secret professionnel tu parles, son lieu de travail était plein à craquer de jeunes alchimistes ambitieux, près à détruire pour prendre la place de l’élite du pays.
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