Wolfram - Art and science, what could possibly go wrong?

Madame est morte, vive Madame! Le patriarche du Steinhardt vient de se remarier avec une femme bien plus jeune que lui, presque quinze ans. Pourtant, ce n’est pas tant les convenances ou l’argent qui ont poussé ce mariage, non, aussi étonnant que cela puisse paraître vu le statut de Monsieur, c’est l’amour qui a poussé ce mariage. Elle qui vient d’une famille modeste, on pourrait penser qu’elle a joué de ses charmes pour acquérir une vie plus confortable que celle qu’on lui réservait. Pourtant, artiste dans l’âme, l’argent n’est pas une chose qui l’intéresse plus que cela dans sa vie. Tant qu’elle peut peindre, qu’elle peut se permettre d’être libre et d’aimer, elle sera heureuse. Elle a toujours eu cette sorte de fougue qui pousse les gens à la remarquer et qui, pourtant, comprennent qu’elle n’est pas femme légère ou soumise. Elle aime la vie, sous tous ses aspects et ne s’en cache pas, se fiche bien des classes sociales, et irrévérencieuse à souhait. Une fougue qui a très vite attiré Monsieur, et un an à peine après leur rencontre, ils se marièrent.

Ainsi, trois ans après leur mariage naquit Wolfram, un nouvel arrivant dans la famille. Enfant choyé par sa mère, il s’en proche, plus que de son père, qui ne manque pourtant pas d’affection pour lui. Son demi-frère (de dix ans son aîné), en revanche, il voudrait en être son meilleur ami, rester avec lui. Mais dix ans, c’est beaucoup d’écart quand on est aussi jeune. Lui a déjà fini ses études, il apprend le métier pour reprendre le rôle de son père dans l’entreprise et à côté de cela, travaille dans une des usines de la SACM pour savoir ce que c’est qu’ils font, ce qu’il demandera réellement à ses employés…

Quant à Wolfram? Oh, lui n’a que quatre ans, il dessine, les montre à sa mère qui s’en émerveille, quand bien même ce ne sont que des gribouillis par moment. Elle lui montre, elle, comment dessiner, comment bien choisir ses lignes, ses couleurs, les proportions...Malheureusement, elle quitte ce monde quand il avait cinq ans, d’une double pneumonie foudroyante. Le jeune garçon est très affecté par cette mort, et si pendant quelques mois il est en profond deuil, se retrouvant en retard à l’école, il reprend du poil de la bête, semble-t-il du jour au lendemain, et rattrape son retard, en plus d’aller consulter des livres dans la bibliothèque de son oncle, ingénieur mais passionné de médecine. Il consulte les livres de médecine, prétextant utiliser les planches anatomiques pour s’améliorer en dessin.

Là n’est pas l’entière vérité. S’il est vrai qu’il garde et entretient cet amour du dessin, rare vestige physique de sa défunte mère (il dessine encore régulièrement son portrait, pour se forcer à se rappeler des détails de son visage, de son sourire, de ses yeux, pour ne pas l’oublier, tout simplement), il veut comprendre. Il veut savoir pourquoi sa mère les a quitté de cette façon. Il a bien demandé à son père, mais ce dernier s’est contenté de lui répondre qu’il n’était pas médecin. Alors Wolfram s’est renseigné auprès des livres écrits par ceux qui pourraient lui répondre, mais qui le pensent trop jeune pour comprendre. Qu’à cela ne tienne, s’il y a autre chose qu’il a hérité de sa mère, c’est bien sa détermination et sa fougue à vouloir prouver aux autres qu’ils ne devraient pas le juger sur ce qu’il montre.

Le seul à voir clair dans son petit jeu, c’est son oncle. Car s’il sait lire (et plutôt bien pour ses dix ans), il y a tout de même des mots qu’il ne comprend pas et il se voit bien obligé de demander...Ce dernier décide alors de le prendre sous son aile, de tester aussi ses aptitudes dans d’autres domaines scientifiques. Si la chimie ne retient que peu son attention (et donc ses connaissances en la matière sont limitées à ce dont il a besoin), l’ingénierie en revanche semble attiser toute sa curiosité, mettre de l’huile dans les rouages de son cerveaux. Si jusque-là, ils avaient gardés ses recherches secrètes, leur petit secret rien qu’entre eux, l’oncle pensait présenter Wolfram à un ou deux concours, voir ce qu’il valait vraiment, voire le pousser, le cas échéant, à poursuivre des études dans cette voie si possible. Chose à laquelle Wolfram, alors âgé de quinze ans, refusa catégoriquement.

“Je ne veux pas faire partie de l’empire de cette façon. Tous les grands scientifiques d’états, médecins, ingénieurs, alchimistes...Tous ceux qu j’ai croisés jusque là n’ont pas cherché à voir plus loin que le gosse qui aime dessiner. Et ne nie pas que si je n’étais pas venu consulter tes livres tu n’aurais pas réagi pareil mon oncle. Alors pourquoi devrais-je suer pour eux?”

Non, aux yeux du monde, il restera cet artiste libre, irrévérencieux, si proche de ce qu’était sa mère dans sa jeunesse. Mais dans l’ombre, il étudie, il essaie encore de comprendre, même si techniquement, il sait déjà ce qui a causé la mort de sa mère et il comprends comment c’est arrivé, mais il continue. Maintenant que le feu de la curiosité est allumé, plus rien ne peut l’arrêter.

Mais son père, son gentil père, semble avoir prévu pour lui qu’il soit celui qui reprendrait son siège parmi les dirigeants de la SACM. Chose qui n’intéresse nullement Wolfram, mais qui, en revanche, est le but et l’ambition de son demi-frère, qui ne comprend pas cette préférence envers Wolfram qui n’a jamais été muet sur son désintérêt pour les affaires familiales. Le plus jeune ne comprend pas non plus, mais soupçonne qu’il veuille ramener Wolfram sur un chemin plus respectable que simplement artiste. Finalement, son frère en ayant marre d’être toujours relégué au second plan, échafaude un plan dont il fait part à Wolfram: ce dernier prend quelques semaines à faire comme si, finalement, l’industrie familiale l’intéresse, et puis propose d’ouvrir une succursale à Paris, eux deux y vont et à partir de là, c’est lui qui gèrera ladite succursale, tandis que Wolfram vivra sa vie comme il l’entend. Car là est une nouvelle lubie du plus jeune: rejoindre la capitale; quitter son Alsace natale pour aller se faire connaître de la capitale.

Ce plan est mis en oeuvre et réalisé avec succès. Entre les talents oratoires de Wolfram (certains lui ont déjà dit qu’il aurait fait un très bon avocat) et les dossiers soigneusement préparés par son frère, le plan était parfait. Il partent donc pour la capitale, une coquette somme en poche. Ils se partagent ladite somme, et Wolfram se met en quête de logements à acheter. Car si sa mère était libre et artiste dans l’âme, elle n’en n’était pas stupide pour autant et elle savait bien que l’argent est nécessaire, mais qu’il ne fallait pas compter de trop sur les fortunes familiales. Elle lui a même dit, un jour:

“L’argent, c’est bien quand on en a, mais c’est comme une plante, il faut l’entretenir, ou il finira par disparaître.”

Voici donc la raison pour laquelle Wolfram s’est fait rentier une fois à la capitale, louant deux (un petit deux pièces et une chambre de bonne) des trois appartements modestes qu’il a pu acquérir à son arrivée, se gardant le troisième pour lui (un simple studio). Son frère, bien trop heureux de pouvoir enfin agir à sa guise, ne resta pas longtemps auprès de lui et soit, c’était l’accord, après tout. Wolfram, quant à, lui pris le temps de s’acclimater à la géographie parisienne, croquant de nombreux endroits, de nombreuses scènes qu’il a pu voir, avant de finalement s’atteler à ce qui était son véritable but pour ce déménagement à la capitale impériale: profiter de la gigantesque bibliothèque Mazarine et de ses ressources qui lui semblent infinies. Il doit la jouer fine, car il est au coeur de la ville des mercuriens, s’il démontre un goût un peu trop prononcé pour les sciences, on risque de vouloir vérifier ce qu’il en est et s’il peut se montrer bon acteur, il a ses limites. Ce n’est pas le moment qu’il se fasse recruter comme scientifique…

En tout cas, s’il avait entendu des échos de la vie à Paris, il n’aurait jamais pensé qu’elle y était aussi difficile. Surtout pour respirer. Petit à petit, les livres scientifiques qu’il glisse entre deux livre d’art passent du médical à l’ingénierie. Il a toujours envie de comprendre intrinsèquement ce qui a emporté sa mère, mais il ne peut pas laisser ces gens se pourrir les poumons sans rien faire. Pas exactement altruiste, juste doué de bon sens. Lui-même vit ici maintenant, et s’il ne veut pas mourir prématurément, autant essayer de trouver une solution à cette grisaille (ou smog, il navigue entre l’un et l’autre termes), si pas sa source, au moins pour en subir ses effets à minima. Il se pense discret dans ses emprunt, mais visiblement pas assez, car un homme vient le voir durant une de ses visites à la bibliothèque, essayent de le jauger en termes de sciences. Il prétend même que livre d’ingénierie a été oublié par un précédent occupant de la table. Mais il ne dupe pas la personne en face de lui. Qui revient le voir, encore et encore, jusqu’à lui laisser une carte. Une adresse, pas de nom. Sa curiosité le perdra un jour, certainement, mais Wolfram y va, et c’est là-bas qu’il découvre l’Orme. Cette organisation qui a pour but de trouver des solutions pour améliorer les conditions de vie de leurs compatriotes. Entre autres. Si les idées collent avec les siennes, le côté plantes en revanche...Il n’a jamais été un homme de botanique, mais il a accepté de les rejoindre, leur faisant bien comprendre que ses se projets rejoignent leurs idées, ses méthodes….pas vraiment. Enfin, ses méthodes...disons plutôt ses sujets d’études plutôt. Ce qui sembla leur convenir malgré tout.

C’est ainsi qu’il y a trois ans, Wolfram est entré à l’Orme, deux ans après son arrivée à Paris. Aujourd’hui, il continue de  berner son monde, passant pour cet artiste à la vie dissolue (soyons honnête, il l’est) alors que dans l’ombre,il tente d’oeuvrer aux biens des autres.