| le bal des deshérités (ephemer) Dim 15 Nov - 14:22
| Romane étouffa un nouveau grognement. Elle ne savait qui de son corset ou de ses points de suture allaient éclater en premier. Engoncée dans une robe qui la comprimait de toutes parts, l’héritière Demadières tentait tant bien que mal de garder bonne figure. L’hôtel particulier était plein à craquer de familles marchandes et industrielles qui espéraient faire fleurir leurs commerces et leurs industries grâces aux pontes de l’import/export qui étaient également présents. Les Industries Demadières étaient évidemment de la partie, cherchant à assoir un peu plus leur monopole sur le transport des marchandises. Romane observait son frère, parfaitement dans son élément, qui l’avait obligée à se montrer à cette journée où l’opulence et la décadence lui donnaient la nausée. Dans le jardin de l’hôtel, devenu serre, on avait l’impression de déambuler à ciel ouvert, un ciel bleu et dégagé de tout smog, illusion parfaite d’une réalité que tout le monde voulait balayer sous le tapis. Romane observa la foule, les dames qui riaient à gorge déployée, les hommes qui prenaient des mines austères comme si la négociation était forcément d’un sérieux d’enterrement. Elle tentait vainement de se faire oublier, mais son visage ravagé ne manquait jamais d’attirer les regards et les chuchotements. Aussi surprenait-elle les coups d’œil dégoûtés, emplis de pitié ou de fascination malsaine. Depuis bien longtemps, Romane ne se laissait plus miner par ses regards et ses jugements, elle avait bien d’autres choses à penser que s’appesantir sur son physique, qui n’avait aucune prise sur ses rêves et ses espoirs. Mais, lors de ses événements mondains, elle devait affronter tout ceci, et pire encore, car, avec le nom qu’elle portait, elle était aussi un parti à prendre, une fortune à saisir…
Avec un tact qu’elle ne sortait que dans ces grandes occasions, Romane prit congé d’un potentiel futur mari sans doute très sympathique mais dont la conversation manquait d’esprit et dont elle avait bien remarqué la mine contrite de devoir tenter sa chance auprès d’un laideron. Elle s’empara d’une coupe de champagne auprès d’un serveur et tenta de trouver un endroit plus paisible. Depuis des heures qu’elle était là, elle pensait avoir suffisamment donné pour contenter son frère et les intérêts de l’entreprise, et pouvait bien s’octroyer une pause avant de devoir à nouveau se montrer. Romane finit par trouver un salon relativement calme, où seul un tout jeune homme était présent. Cherchait-il lui aussi le calme alors que les rires et les conversations se faisaient un peu plus lointaines ici ? Pourrait-elle trouver un compagnon d’infortune ?
« Excusez-moi, j’espérais un peu de calme… Puis-je me joindre à vous ? » fit-elle en avisant les fauteuils encore vides du petit salon. « Je vous promets de ne pas essayer de vous vendre quoi que ce soit, ou de vous faire miroiter un juteux contrat… » continua-t-elle avec malice, espérant que le garçon n’était pas comme tous ces pédants au loin. Et si ce n’était pas le cas, eh bien tant pis. |
|