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 Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)

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Agnès Martel
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Agnès Martel
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Activité : Religieuse, sage-femme, faiseuse d'anges - la sororité en étendard.
En société : Clandestine au quotidien, on tolère sa présence dans le monde comme une étrangeté, et puis on hausse les épaules et on poursuit son chemin.
Organisation(s) : la Tour de Babel, une évidence.
Besace : Quelques tracts de la Tour, des baumes et onguents de chez Marguerite et Fernande, sa coiffe qu'elle ne porte pas en public.

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Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Dim 3 Mai - 16:31

Dans le quartier, on connaît bien les femmes en robe bleue qui, aux abords du marché, plusieurs fois par semaine, distribuent leurs tracts faits de papier de pacotille et griffonnés à la main (mais de leurs plus belles écritures). Un exercice périlleux, demandant patience et application, auxquelles elles se livrent pourtant sans se plaindre, convaincues du bien fondé de l'activité. Les pages, une à une, sont noircies des mots qu'elles ne peuvent imprimer faute de droit et, a fortiori, de monnaie sonnante et trébuchante - car on ne peut dire que la vie de sœur clandestine rapporte fortune. Sur les feuillets dispersés, quelques notes tout au plus : La Tour de Babel - Accueil quotidien et gratuit - Rejoignez-nous. Simple, bref, et surtout n'indiquant aucune adresse, car qui sait dans quelles mains pourrait se retrouver le morceau de papier.

C'est l'une des raisons qui fait qu'Agnès n'aime pas particulièrement être de corvée de marché : toujours être aux aguets. Au moindre signe de la maréchaussée, remballer, s'effacer, disparaître. Les gens des faubourgs se préoccupent bien peu des religieuses, qui sont tout au plus quelques excentriques bloquées dans un autre âge. On sait qu'elles dispensent des soins, distribuent de la soupe, donnent un toit aux plus nécessiteux. Parfois, on les a déjà consultées ; mais ça on ne le dit pas. L'Empire fait, lui aussi, peu de cas de leur existence, tant qu'elle reste discrète et marginale. Reste cependant que la distribution de prospectus sur la voie publique est interdite, et que les pions de l'Impératrice ne manquent jamais une occasion de les confisquer. Elle n'aime pas non plus cela parce que ça lui semble une vaste perte de temps, et plutôt que de faire le pied de grue, elle voudrait déjà s'affairer, ou arpenter les rues à la recherche de celles qui ont vraiment besoin d'elle.

Devant l'entrée de la halle du Marché des Enfants-Rouges, voilà donc Agnès en poste, quelques tracts dans une main, le reste dans la besace qu'elle porte sur l'épaule.
L'endroit, comme toujours, bouillonne. On chahute, on s'interpelle, on apostrophe les passants promettant les meilleurs pommes de terre, navets, betteraves de l'année, quand on sait bien que ceux-là sont réservés aux salles à manger dorées de ceux d'en haut. C'est, en somme, l'inverse de son lieu de vie, où seul l'écho des murmures ou quelques bruits de pas viennent briser le silence. Si la chose ne la dérange pas outre mesure, le contraste la saisit toujours un peu, et quelques instants lui sont nécessaires pour se sentir de nouveau pleinement. Elle a pourtant l'habitude du mouvement - elle qui jamais ne s'arrête -, mais la foule en revanche ne lui convient guère, trop dense et nerveuse pour elle.

« Bonjour Madame, connaissez-vous la Tour de Babel ? Nous accueillons tous... » elle commence avec entrain avant que l'on se détourne d'elle, essuyant un premier échec. La matinée s'annonce longue. Au dessus de l'entrée, un animomate qui survole la scène. Elle s'y est habituée : ces créatures semblent partout, et particulièrement depuis qu'elle est avec les Sœurs. Mais elle n'est pas une menace, et poursuit donc son activité. « Bonjour, connaissez-vous la Tour de Babel ? » demande Agnès au passant suivant, lui tendant par la même un des manuscrits.
Jeanne Laporte

Jeanne Laporte
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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Mar 12 Mai - 17:32

Jeanne recompta la monnaie dans sa main. C’était peu. Pas assez pour offrir un repas correct à deux jeunes femmes qui jeûnaient bien trop souvent, et ce même si certains commerçants faisaient ristourne à ceux qui en avaient besoin. Elle se mordit la lèvre tout en observant d’un œil envieux et critique les passants qui s’affairaient entre les différents étals. Il ne fallait pourtant pas qu’elle traînasse trop à faire son choix. Les jeunes gens immobiles attiraient autant l’attention que ceux qui détalaient à toutes jambes. On la soupçonnerait bientôt de guetter ou bien de faire son choix dans les poches à détrousser. Aussi Jeanne s’ébroua-t-elle, dardant son regard fiévreux sur les prix affichés, avisant ceux qui proposaient des plats fumants qui lui mettaient l’eau à la bouche mais qu’elle ne pouvait malheureusement pas se payer. Heureusement que Thérèse n’était pas à ses côtés, occupée à trouver un cordonnier à bas prix pour réparer leurs paires de chaussures usées jusqu’à la corde. Elle détestait plus que tout entendre l’estomac de sa sœur se tordre dans des plaintes déchirantes. Et le creux dans le sien ne cessait de s’agrandir, attisant par la même occasion le feu qui couvait en elle, prêt à cracher des flammes à la moindre contrariété. La perspective de ne pas pouvoir se payer deux maigres repas était de ces flammes qui la brûlaient sans crier gare. Sentant la colère et l’injustice la gagner, elle s’empressa de quitter les allées bruyantes. Tant pis, elle trouverait sans doute une auberge ou une brasserie prête à céder des plats de la veille pour un prix modique.

La tête baissée, rentrée dans le col de son manteau rapiécé, Jeanne regagna l’entrée du marché où la voix reconnaissable d’une jacasse attira son attention. Il n’était pas rare que crieurs et bonimenteurs se trouvent aux abords des lieux de passage, qui vendant quelque remède ou objet indispensable ou qui vantant un spectacle à ne pas manquer. Mais Jeanne ne pensait pas croiser l’une de ces sœurs aux croyances interdites. N’était-il pas défendu de montrer sa foi et plus encore de la soumettre aux autres ? En s’approchant, Jeanne reconnut la jeune femme qui alpaguait les passants qui ne lui jetaient qu’un vague coup d’œil avant de se détourner. « Agnès ! » Fit-elle sans élever la voix, comme une surprise et une constatation. La religieuse et son ordre avaient été de celles à les accueillir sans poser de questions lors de la fuite des sœurs Laporte il y a plusieurs semaines. Jeanne et Thérèse avaient pu compter sur leur générosité et leur vœu de venir en aide aux plus démunis, même si cela n’avait duré que le temps de quelques jours avant que l’endroit où elles s’étaient réfugiées ne soit menacé par la maréchaussée. Et pour cette bonté, Jeanne n’avait jamais pu remercier les sœurs diaconesses. Ce n’était peut-être pas le meilleur endroit pour le faire maintenant, mais c’était peut-être aussi l’occasion de rendre ce qu’elle avait reçu en évitant à la Sœur de se faire arrêter pour propagande. « Vous ne devriez pas faire ça, Agnès… Personne ne veut être vu avec une croyante…surtout sous l’œil de la Couère… », dit-elle avec un léger coup d’œil vers l’animomate qui ne semblait pour le moment pas vraiment tourné vers elles, ce qui arrangeait Jeanne dont le visage était sans doute encore recherché dans toute la ville. La jeune femme se renfonça un peu plus dans l’entrée du marché, invitant Agnès à s’éloigner de l’espion de métal. « Ma sœur et moi n’avons jamais eu l’occasion de vous remercier », déballa-t-elle d’un coup. « Du coup, comme vous êtes là… Merci de nous avoir accueillies ! »  
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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Lun 25 Mai - 16:42

Son nom qui retentit tout proche, d'une voix basse. Les deux syllabes de son prénom prononcées presque comme un secret. Agnès fait une volte-face brusque, alors que son cœur s'accélère, fébrile d'être ainsi reconnue. Si elle se sait observée par l'animomate qui survole la scène, elle n'escomptait pas être ainsi identifiée ; d'autant que le timbre à peine audible lui est étranger. Elle est pourtant habituée à des scènes similaires. Les sœurs accueillent de nombreuses femmes, de tous âges et de tous corps, et si elle essaie de mémoriser tous les noms et visages certains finissent par lui échapper. Figures de passage, insaisissables, qui peu à peu s'effacent de la mémoire d'Agnès. Pour elle qui vit chaque jour, depuis presque dix ans, dans un semblant de clandestinité, être ainsi interpellée fera toujours l'objet d'une inquiétude même légère, d'un sursaut bref, généralement bien vite soldé par le sourire de traits amis.

La religieuse se retourne et, cette fois, met très vite un nom sur le visage qui lui fait face : Jeanne, qui avait séjourné quelques temps avec elle, avec sa sœur lui semblait-il ; elle balaie les environs du regard mais ne voit Thérèse nulle part. La tentation est grande d'imaginer le pire en ne la voyant pas. Mais Agnès a pris l'habitude de chasser ces pensées sombres dès leur surgissement, constatant qu'elle n'étaient que rarement vraiment pertinentes. Le pessimisme n'a pas la côte quand le monde prend des airs d'apocalypse.

« Bonjour Jeanne. » Elle adresse un sourire à la jeune femme qui s'inquiète de son activité, et hausse les épaules. Si elle entend son tourment, Agnès, elle, ne s'affole pas. Elle jette un coup d’œil à l'animal animé qui vole plus en haut, émettant un léger cliquettement qui nuit remarquablement à sa discrétion - à croire que les éminences qui œuvrent pour l'Impératrice n'ont pas encore trouvé la solution à ce bruit métallique. « Ils ne m'effraient guère plus que je ne les effraie, et pour le moment ils me laissent en paix. Mais j'imagine que je peux prendre un instant pour papoter, » réplique-t-elle, sautant sur l'occasion pour s'accorder une pause dans cette désagréable activité. Et puis, peut-être que Jeanne a raison, après tout. Cette dernière, en tous cas, ne semble pas vouloir être vue davantage. Elle baisse la tête, enfoncée dans ses épaules, et parle dans un souffle léger. Agnès se souvient de son apparition à Notre-Dame, visiblement en fuite. Dans leurs yeux à toutes les deux, ceux de Jeanne surtout, l'éclat déterminé de celle qui sait sa vie en jeu. Les diaconesses les ont accueillies, sans demander davantage d'explications. C'est la règle, celle qui protège du secret pour les unes, et le préserve pour les autres.

Ensemble, elles s'enfoncent dans une ruelle voisine, où l'espion volant ne les suit pas. A l'exception de quelques passants, l'endroit est désert, se prêtant certainement mieux à la conversation.
Jeanne la remercie. A ça non plus, Agnès ne se fera certainement jamais. Chez elles on  venait, on se remettait sur pieds, on disparaissait, sans plus de manières. C'est dans l'ordre des choses, comme une évidence. « Vous n'avez pas à nous remercier, voyons. Dites-moi plutôt, comment allez-vous désormais ? Et votre sœur ? » Demande-t-elle avec emphase, en constatant les traits tirés de son interlocutrice. Elle voudrait s'assurer que tout va bien pour elles, mais n'en est finalement que peu certaine, détrompée par le manteau en pièces et le feu qui semble brûler toujours dans les yeux de Jeanne.
Jeanne Laporte

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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Dim 31 Mai - 17:11

Bien que la religion n’avait jamais fait partie de la vie de Jeanne, et malgré les croyances de sa mère, qui leur dispensait parfois, à sa sœur et elle, quelques préceptes ou histoires issues du Coran, la jeune femme s’était toujours demandé ce qui poussait des gens à croire en un être supérieur, invisible et dont les actions semblaient aussi étranges qu’impossibles à déceler. Se réfugier chez les sœurs diaconesses n’avait jamais été le choix de Jeanne et Thérèse, cela avait été simplement une opportunité, une porte ouverte. Et si Jeanne ne comprenait pas vraiment la vie de ces femmes, elle avait été touchée par leur générosité et leur absence de peur à vivre de leurs croyances quand celles-ci étaient interdites. La réaction d’Agnès ne faisait ainsi que renforcer l’incompréhension et l’admiration de Jeanne pour ces sœurs d’un temps qu’elle n’avait jamais connu. Elle fut néanmoins soulagée que la religieuse accepte de lui accorder un peu de son temps, croyant naïvement que, par là-même, elle lui éviterait quelques soucis.  

« Je…eh bien, depuis notre départ de Notre-Dame, c’est…compliqué », parvint à répondre la criminelle. « Mais Thérèse va bien. Nous allons bien toutes les deux… » Ce qui était vrai, malgré tout, car elles étaient en bonne santé, ce qui était déjà un exploit en soi. Si Jeanne n’avait jamais dit aux sœurs la raison de leur demande d’asile, celles-ci ne le leur avaient jamais posé la question, ce qui avait très bien convenu aux sœurs Laporte. Et si elles ne leur avaient jamais demandé quoi que ce soit, Jeanne avait trouvé une forme de réconfort et d’apaisement dans le silence de Notre-Dame et dans celui des sœurs, qui vaquaient à leurs occupations sans chercher à tout prix à percer le mystère des deux jeunes vagabondes. Pourtant, elle savait aussi que les religieuses risquaient beaucoup à accueillir ceux dans le besoin, au-delà de la proscription de leur culte. Jeanne avait entendu des rumeurs, à l’époque où elle avait un galant. La cuisinière de Mme Metzger lui avait révélé un jour que, si elle en avait besoin, elle avait la possibilité de trouver les sœurs pour se débarrasser d’un hôte non désiré. Jeanne avait joué la sotte mais elle avait surtout été embarrassée, autant à l’idée d’être enceinte qu’à celle de devoir avorter. Mais ni l’une ni l’autre de ces occasions ne s’étaient jamais présentées. En cet instant, les tourments de Jeanne étaient bien éloignés de ces considérations féminines mais elle avait le sentiment que quelqu’un comme Agnès pouvait peut-être comprendre celui dans lequel elle se trouvait. Si la religieuse vivait sa croyance en toute illégalité, elle pouvait peut-être aider Jeanne à y voir plus clair. La relative discrétion de l’endroit aidant, tout comme l’immense fatigue de la fuite qui ne cessait de tirer sur ses forces et son esprit, Jeanne laissa échapper ses interrogations. A part Thérèse, il n’y avait finalement jamais personne à qui parler, à qui se confier. « Comment faites-vous, Agnès, pour ne pas craindre pour votre vie avec le…métier que vous exercez ? » Faute de meilleure appellation, ne sachant pas vraiment comment pouvait être considérée l’occupation de la religieuse, si distribuer des tracts et prendre soin des miséreux leur permettait seulement de récolter de quoi subsister. « Comment faites-vous pour tenir, malgré les refuges qui vous devez fuir constamment ? »
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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Sam 13 Juin - 15:40

Depuis cinq ans qu'elle est chez les sœurs diaconesses, Agnès en a vues passer, des jeunes femmes au bord du précipice, le cœur et le corps en miettes. Armée d'onguents et de patience, elle a pris soin d'elles, les a réparées, petit à petit. Elle aurait pu être elles, se disait-elle régulièrement, si elle n'avait pas croisé le chemin des sœurs ; et c'est sûrement pour ça qu'elle s'efforçait de leur rendre ce qui lui avait été donné.
Chez Jeanne et Thérèse, elle se souvient d'avoir senti une urgence plus grande encore, le besoin de se cacher, d'échapper à quelque chose, ou à quelqu'un, sans jamais savoir de quoi il s'agissait. Revient en mémoire leurs visages à toutes les deux, les cernes violacées sous leurs yeux, quand elles se sont dessinées dans l'entrebâillement d'une porte dérobée. On ne les aurait pas devinées sœurs, de prime abord, tant leurs traits différaient en de nombreux points, mais les regards qu'elles se glissaient, la manière dont elles étaient ensemble, venait vite informer sur leur relation. Alors, on commençait à apercevoir les similitudes entre elles, les iris noirs, les pommettes hautes, et cette même inflexion dans la voix quand elles posaient de - rares - questions.

« Vous savez que vous êtes toujours les bienvenues chez nous, n'est-ce pas ? » rappelle Agnès, sans insister davantage sur leur situation à toutes les deux : elle en saura sûrement davantage si Jeanne le veut, telle était sa philosophie désormais. Autrefois, elle s'agaçait de celles et ceux qui quittaient leur hospice pour s'en retourner battre les pavés des rues froides et pluvieuses, au péril de leurs vies. Aujourd'hui, elle commence à accepter ce besoin d'indépendance, à ne plus s'imaginer porter le tout Paris à bout de bras. C'est un apprentissage long et parfois douloureux que celui de savoir jusqu'où aller, où s'arrêter, et elle s'y est confrontée à de bien nombreuses reprises. On se donne tant que l'on s'attache, et finalement l'on ne rend plus service à personne. Elle sait qu'aujourd'hui, elle ne pourra rien faire pour les sœurs Laporte sinon rester disponible, une main tendue qu'elles seront libres ou non de saisir. « Et saluez Thérèse de ma part, » ajoute-t-elle, accompagnant ses mots d'un sourire.

La question qui suit pique l'intérêt d'Agnès, surprise par une interrogation aussi franche que celle de Jeanne. Si elle sent le malaise à l'évocation de son activité principale, elle n'en est pas étonnée, car les personnes abordant la question de la santé féminine de manière décomplexée sont encore rares, malgré les discours d'égalité et de tolérance de l'Empire. En grattant le vernis du verbiage d’État, on s'aperçoit bien vite - c'est le cas d'Agnès - que toutes les injustices n'ont été abolies.
Elle hausse les épaules. « Je crois que je ne me suis jamais vraiment posé la question, à vrai dire. » lâche-t-elle comme une évidence, constatant par la même qu'elle ne s'est pas, jusqu'à présent, donné le choix - et ce n'est pourtant pas faute de le répéter à celles qu'elle accueille. Pour elle, c'est différent : une vocation. Et si la clandestinité doit en être la conséquence, elle l'accepte. « C'est parfois fatiguant, mais la cause est bonne. » Un silence s'installe, alors que la religieuse se perd dans ses pensées, considérant un instant quelle pourrait être sa vie sans le perpétuel sentiment de devoir se cacher. Elle finit par reporter son attention sur la jeune femme. « Vous êtes lasse de vous cacher, Jeanne ? » l'interroge-t-elle, quand en réalité elle voudrait lui demander pourquoi elle fuit.
Jeanne Laporte

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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Ven 26 Juin - 18:57

Jeanne sent le frisson qui la parcourt, tel celui de la mauvaise grippe. Elle n’avait pas imaginé montrer ses peurs et ses doutes à qui que ce soit en cette journée. Mais poser la question, laisser entendre ses appréhensions lui avaient enlevé un poids. Peut-être qu’Agnès ne comprendrait pas, peut-être qu’elle n’aurait pas de réponse à lui donner, peut-être qu’elle lui jetterait soudain un œil soupçonneux…mais la perspective de s’ouvrir, même un tout petit peu, allégeait son esprit tourmenté. Le début de réponse de la religieuse l’étonna, tandis qu’un soupçon de déception renfrogna le visage de Jeanne. La jeune femme n’était pas sûre de comprendre et d’imaginer que l’on pouvait accepter de vivre dans l’illégalité au nom d’une croyance ou, comme elle le disait, une « cause ». C’était sans doute là toute la différence entre Jeanne et sa sœur. Jeanne hocha la tête machinalement, faisant mine de comprendre, mais en réalité, non, elle ne comprenait pas une telle pensée. Depuis toujours, elle avait le sentiment que tout lui échappait, entre les conversations des autres domestiques qui parlaient régulièrement de politique en chuchotant, celles de ses anciens maîtres qui évoquaient avec d’autres mots les mêmes événements… Pourtant, Jeanne avait du grandir vite après le décès de sa mère, et se soucier d’aspects de la vie qui l’avaient menée à devenir adulte rapidement. Mais il s’agissait seulement des aspects « pratiques » de cette vie et Jeanne s’était contentée de ce qui la concernait elle et sa famille directement. La domesticité l’avait ensuite clairement enchaînée dans cette vie sans saveur, sans pensée propre, sans désir véritable – de toute manière réprimé aussitôt – si ce n’est celui de s’offrir une vie décente, dans la droiture…puis la clandestinité.

Jeanne sursauta légèrement à la question d’Agnès, perdue qu’elle était dans ses pensées. La religieuse avait mis le doigt sur ce qu’elle ressentait depuis plusieurs semaines. C’était égoïste, quand on pensait que d’autres se cachaient depuis bien plus longtemps, que certains vivaient dans la misère depuis leur naissance mais lorsque l’on fuit, lorsque l’on craint pour sa vie, il n’y a bien que soi qui compte. Et Jeanne n’était pas faite pour cette vie. Transporter occasionnellement des paquets de contrebande était une chose, passer ses journées à fuir les regards, à trouver où passer la nuit en sécurité et, surtout, ne plus connaître que l’incertitude en étaient une autre. « Oui… J’aimerai retrouver une vie normale », avoua-t-elle dans un soupir qui décontracta complètement sa cage thoracique, lui donnant un souffle qu’elle pensait avoir perdu depuis bien longtemps. « Mais après ce que nous…ce que j’ai fait, je ne vois pas comment cela pourrait arriver. » Jeanne jeta un coup d’œil à Agnès mais elle ne semblait pas spécialement savoir de quoi elle parlait. Peut-être n’était-elle pas la seule à ne pas s’intéresser à ce que racontaient les journaux ? Ou peut-être n’avait-elle pas fait le lien. « Comment sont perçus les meurtriers dans votre religion, Agnès ? », lâcha-t-elle tout à trac, ne réalisant que trop tard que son esprit lui jouait encore un mauvais tour en révélant tout haut son interrogation.
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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Sam 18 Juil - 11:37

Entre les deux jeunes femmes, les barrières semblent s'abattre peu à peu. D'abord échanges courtois et simples formules de politesse, elles ont désormais basculé dans une conversation tenant davantage de la confidence. Leurs voix se sont abaissées, malgré l'étonnante solitude qui règne dans la rue étroite. Que l'on vive en collectivité dans une cathédrale désaffectée, ou que l'on se cache dans tout Paris tant que faire se peut, rares sont les moments où l'on se retrouve tout à fait seule. Seul le passage de quelques passants vient suspendre le fil de leurs paroles, sans tout à fait l'interrompre pour autant ; ce sont autant de pauses durant lesquelles les pensées continuent, elles, à défiler.
Et puis il y a le secret, celui-là même qu'Agnès sait ne pas pouvoir - ne pas vouloir - découvrir, tant que Jeanne ne voudra le lui confier. Il prend une place grandissante, s'étend peu à peu à mesure qu'elles l'évoquent sans jamais s'y confronter frontalement. Qu'ont fait les sœurs Laporte ? Voilà une chose dont on ne parle pas, chez les diaconesses : on se contente de les aider au mieux. Mais alors que la conversation avance, la curiosité d'Agnès croît, allant à l'encontre de tous les préceptes de discrétion qu'elle applique scrupuleusement au quotidien.

La tension dans la voix de Jeanne se fait plus forte, plongée dans des pensées noires qui semblent la tourmenter. « Ni vous, ni moi, n'aurons plus jamais une vie ordinaire, je crois, » réplique Agnès avec un sourire en coin. Elle l'a accepté depuis longtemps : les cinq années passées à la rue et les cinq suivantes à Notre-Dame ont eu raison de toute envie d'un retour à la normale, et c'est désormais dans cet univers qu'elle s'épanouit. Bien sûr, elle entend qu'il n'en soit pas de même pour Jeanne, dont la clandestinité toute récente est nappée d'une intrigue toute autre, aussi dense qu'insaisissable.
Insaisissable, du moins, jusqu'à cette dernière question. Comment sont perçus les meurtriers dans votre religion, Agnès ? Prononcée un peu trop vite, un peu trop fort. On sent Jeanne fébrile alors qu'elle dévoile presque malgré elle son secret.
Face à elle, la religieuse est désarçonnée. C'est la première fois qu'on lui avoue un assassinat de manière si directe, la mettant dans la confession d'un crime qui n'est pas le sien. Elle en a sûrement croisées d'autres, mais jamais on ne le lui avait dit. Agnès est surprise également que Jeanne, qu'elle ne connaît que peu, ait décidé de lui faire confiance et de partager son fardeau avec elle.
Elle considère un instant la fugitive, et se perd en conjectures pour imaginer le mal qui l'accable. Une meurtrière. Elle tente tant bien que mal de cacher son malaise face à cette idée, gardant un visage placide.

« Ma religion prône la miséricorde et le pardon. Nous n'avons pas vocation à juger qui que ce soit. » réplique-t-elle d'une voix neutre, partagée entre son rôle de religieuse et l'envie de comprendre ce qui a poussé Jeanne à agir de cette manière. « L'endroit ne s'y prête guère ; mais si vous souhaitez vous confier davantage, nous pouvons aller dans un lieu plus calme. Vous pouvez me faire confiance pour garder le silence. » A qui irait-elle livrer les secrets des sœurs Laporte, quand elle-même craint chaque jour d'être percée à jour par les officiers impériaux ?
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Besace : un mouchoir brodé par sa mère, un peu de monnaie, quelques objets à faire passer.

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Re: Connaissez-vous la Tour de Babel ? (jeanne)    Dim 23 Aoû - 12:39

Toute à son propre malheur, Jeanne se rendit compte qu’elle ne savait rien de la religieuse. Ses croyances lui interdisaient une vie « normale » mais était-ce là réellement le seul facteur ? Le commentaire d’Agnès ouvrait de toutes nouvelles perspectives à Jeanne, tant il allait au-delà de sa simple situation à elle. Comment Jeanne pouvait-elle croire qu’elle était la seule à vivre une situation inédite et dangereuse, que seule sa vie était touchée par un changement radical ? Son absence d’intérêt pour la politique, les nouvelles dans les journaux et ce qui sortait de son cercle intime la rendait bien plus égoïste qu’elle ne croyait l’être. Son monde s’était construit autour de Thérèse, autour de son travail chez les Metzger, et elle n’avait jamais dépassé ces frontières qui lui convenaient, qui lui apportaient une sécurité. Même si cette dernière a bien vite volé en éclats quand Mme Metzger se révéla être une redoutable et terrible maîtresse. L’absence de curiosité de Jeanne a toujours été l’élément de différence avec Thérèse. Jeanne était ainsi toujours réservée, mesurée, parfaitement droite dans le rôle qui lui était attribué. Insipide aux yeux des autres, sans aucun doute. Mais c’était la vie qu’elle avait voulu, choisi. Une vie de confort, de sécurité et d’habitudes. Bien sûr, elle l’aurait préférée dans une maisonnée moins vénéneuse, mais les domestiques choisissent rarement, le marché du travail est bien trop complexe pour faire la fine bouche.

Jeanne se rendit bien compte qu’elle était allée trop loin, qu’elle en avait trop dit, et rougit de plus belle. Elle ne sentit pas de jugement dans le regard d’Agnès, mais elle vit bien qu’elle était ébranlée, qu’elle ne s’attendait sans doute pas à cela. Quelle idiote ! La criminelle ne donnait pas cher de sa peau le jour où elle serait interrogée par la maréchaussée. Jeanne s’en voulait, elle laissait échapper trop de choses, ce n’était pas dans ses habitudes. Agnès se voulait rassurante, évoquant la miséricorde et le pardon, mais la panique gagna Jeanne. La jeune femme sentait le sang affluer dans ses tempes, elle avait l’impression de transpirer à grosses gouttes. Quelle erreur ! Les religieuses risquaient beaucoup à pratiquer leur foi, mais comment pouvait-elle être sûre qu’elles ne déversaient pas les secrets des confessions pour s’assurer d’être laissées tranquilles par l’empire ? D’autant plus que, maintenant, Agnès se montrait insistante, souhaitant l’attirer on ne savait où pour lui soutirer son secret ! L’esprit de Jeanne s’embourba, ne lui permettant plus de réfléchir sereinement, et ses pensées tourbillonnaient, mélangeant tout. Elle devait retrouver Thérèse ! Et changer de quartier, encore une fois.

« Non, non, c’est bon. Merci pour…ces mots, mais je ne crois pas que vous puissiez faire quoi que ce soit pour moi », répondit Jeanne avec affolement. Elle regarda autour d’elle, l’esprit en alerte, comme si des agents allaient débouler à tout instant. Et, sans un mot de plus pour la religieuse qui lui avait tendu la main, Jeanne détala sans demander son reste, s’engouffrant à nouveau dans le marché pour disparaître dans la foule.      
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