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 notre terreur (agnès) / tw : fausse couche

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Alceste Huysmans
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Alceste Huysmans
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Activité : absurde activité qui semble se battre légalement contre le couvre feu. puisqu'il le faut puisque si un jour quelqu'un va dans l'espace il faudra bien lui servir de phare alceste allume et éteint les réverbères tous les jours à heures fixes.
En société : petit prolétaire fonctionnaire qui fait ce qu'on lui dit tête basse. longtemps surveillé puisque huysmans l'état a bien vite décidé en riant qu'il n'avait pas la trempe ou les idées de ses parents et l'a laissé seul dans ses miasmes.
Organisation(s) : et pourtant alceste une fois l'attention d'état perdue s'est offert à l'ordre du plomb puisqu'il n'avait rien d'autre à apporter que lui.
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notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Dim 3 Mai - 16:30

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1932. la poussière envahissante s'essuie sur le manteau d'alceste. il n'est ni enfant ni homme il n'est plus grand chose pas encore déchu mais orphelin, oui, orphelin. il ne peut prétendre qu'à ce titre ce statut désespérant tes parents étaient incroyables ils seront maintenant légendaires - vos parents étaient de dangereux terroristes monsieur huysmans je vous conseille de changer de nom de famille si vous escomptez mener à bien vos études d'ingénieur. personne n'engagera le fils huysmans-faure-drevon. perdu entre deux réputations qu'il n'a rien fait pour obtenir. il est entré à l'école d'ingénieur avec son nom pourtant - pas par défi mais parce que c'est tout ce qui lui reste. les quelques francs qui lui restent en poche c'est également la fin de son héritage. le reste volé par l'état. pourtant c'est bien dans une rue précise des faubourgs qu'il se rend doigts se rafraichissant au contact de ses dernières pièces. à une femme aux épaules dénudées qu'il s'adresse et qui lui indique une chambre. cette femme matrone ne fait rien pour détruire en lui le cliché qu'il se faisait d'une maquerelle. il hoche la tête aussi docile que s'il venait pour travailler. il pousse la porte vermoulue par l'humidité et grimpe lourd les escaliers. à chaque marche il ralenti un peu plus, comme si en étirant le temps il pouvait trouver la force de changer d'avis. est-ce qu'il va dépenser ses derniers écus dans sa première fois par défi ou par désespoir ? en lui comme pour toujours les pensées s'entremêlent s'entremêlent tant et si bien qu'il ne sait plus en tirer quoi que ce soit. il monte alceste et au lieu de réfléchir un peu plus parce qu'il étire le temps son esprit commence à s'éteindre région par région.

1941. sur son avant bras la jeune femme pèse de plus en plus lourd. il réajuste son poids contre lui et le mouvement laisse échapper un gémissement léger de sa bouche - elle n'a même plus la force de crier. s'il ne va pas plus vite elle ne tiendra pas. depuis une seconde le sang qui s'écoulait d'elle n'ayant plus de place sur le tissu de sa robe s'est mis à maculer le sol sur leurs pas. il garde le regard droit devant lui. il sait ce qui se passe parce qu'on lui a dit, ne veut pas voir comment ça se produit. huysmans s'il vous plaît amenez cette petite à notre-dame. il y a là bas une soeur qui saura quoi faire. dites-lui qu'elle fait une fausse couche, que c'est fernande qui l'envoie. ce que fernande dit, alceste fait. il n'ose même pas rétorquer qu'en tant que fils de il n'est peut être pas le plus discret des faubourgs, que c'est peut être un risque de griller la tour de babel de l'envoyer là bas. il fait.

la jeune femme s'effondre encore un peu plus. alceste s'arrête, passe son deuxième bras à l'arrière de ses genoux et la soulève tout à fait. il ignore le liquide chaud qui vient se coller à ses vêtements. il presse le pas, traverse le pont de l'archevêché comme si c'était sa vie à lui qui en dépendait et bientôt la cathédrale les écrase de sa hauteur. il regarde le front pâle et les yeux clos de celle qu'il porte. deux veines bleuissent son menton, ses lèvres entrouvertes laissent encore passer quelques respirations hachées. il connait l'entrée de la cathédrale grâce à lucien qui n'a pas sa langue dans sa poche avec les membres de l'ordre du plomb, s'imaginant sans concrétiser sa pensée que leurs deux organisations sont fondamentalement liées. il n'a pas tort mais devrait faire attention : tous les membres de l'une comme de l'autre ne sont pas forcément d'accord. alceste n'a jamais eu la force de lui dire. alceste n'a jamais eu la force de rien. pourtant il cale la jeune femme contre son épaule et frappe à la porte avec toute la fougue dont il est capable. il essaye de lui murmurer des trucs de la réveiller un peu la secoue tout doucement. il ne sait même pas son nom. la porte s'ouvre sur un visage inconnu. c'est pour quoi. alceste dénué de mots tend les bras tend son fardeau tend le sang. la porte s'ouvre. il s'engouffre et tous les symptômes de la panique qu'il s'était interdite jusque là s'emparent soudainement de son corps si près du but. il perd son souffle ses yeux fouillent partout mais ne s'arrêtent nulle part. la femme qui lui a ouvert la porte perçoit son inutilité absolue et l'oriente vers le fond de la sacristie. derrière les tentures. il court à demi. ses talons résonnent en écho contre les murs de la cathédrale bafouée. il avance, pousse du coude la tenture ne s'inquiétant pas de s'il risque de déranger. s'estime priorité - estime plutôt la femme au creux de son bras priorité. s'il vous plaît se fait suppliant. la robe de diaconesse se retourne et il est renvoyé neuf ans en arrière, perd presque prise sur son délicat fardeau. agnès. agnès des rues à soeur diaconesse. il n'a plus de mots. tout juste s'il a encore ses bras. le reste de son corps se désactive instantanément.
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Activité : Religieuse, sage-femme, faiseuse d'anges - la sororité en étendard.
En société : Clandestine au quotidien, on tolère sa présence dans le monde comme une étrangeté, et puis on hausse les épaules et on poursuit son chemin.
Organisation(s) : la Tour de Babel, une évidence.
Besace : Quelques tracts de la Tour, des baumes et onguents de chez Marguerite et Fernande, sa coiffe qu'elle ne porte pas en public.

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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Jeu 7 Mai - 11:35

La chambre est grise, et, derrière une large fenêtre de laquelle s'échappe un filet d'air humide, la ville semble l'être tout autant. On la devine seulement, par un carreau trouble, recouvert d'une couche de poussière poisseuse, comme un prolongement de l'obscurité de la chambre. On pourrait croire à une ancienne photographie au temps de pose intenable, résultant toujours en une image vaporeuse dans laquelle les figures flottantes sont pareilles à des spectres. Au cœur de la scène monochrome, assise sur des draps d'un blanc passé, Agnès se dessine en un contraste saisissant. Joues roses, lèvres carmin. Un visage fin - mais pas encore tout à fait défait des rondeurs de l'enfance - rendu presque méconnaissable par le fard qu'elle y applique avec soin. Non sans maladresse, cependant, car sa main maladroite se fait parfois trop lourde quand il s'agit de la poudre, marquant comme des halos d'un rouge vermillon sur ses pommettes.
La chambre est vide, un temps encore, une respiration avant l'entrée du prochain client. Le temps seulement d'une toilette à l'eau tiède, et puis l'attente, le rythme cardiaque qui s'accélère quand résonne le bruit des pas sur le vieil escalier en bois. C'est un jeu, ou presque, de tenter d'imaginer celui ou celle à qui appartient la marche. Les pieds les plus légers sont à peine audibles, comme si leur détenteur tenait à se faire discret, comme s'il voulait oublier jusqu'à sa présence lui-même. Parfois, à l'inverse, c'est une démarche qui s'écrase à chaque pas. Agnès l'associe à des hommes rougeauds et peu amènes, parfois à tort. Ses erreurs la déstabilisent : elle a ensuite les plus grandes peines à se réinventer, tant elle a tout fait pour correspondre à son idée première.
Aujourd'hui, le pas est indécis, d'une lenteur qui semble n'en plus finir. Une marche, une pause, une autre, et ainsi de suite, tant et si bien qu'elle ignore s'il va seulement parvenir jusqu'à elle. Le fil de son imaginaire se déroule lui à toute allure face à l'allongement de l'ascension, et pourtant quand la porte s'ouvre sa surprise est sans commune mesure.
Derrière ce pas hésitant, Alceste. Elle ne sait pas s'il l'a reconnue sous son masque de maquillage, ne sait pas non plus si elle veut qu'il la reconnaisse d'ailleurs. Elle voudrait lui sauter au cou, lui raconter cette année passée loin de chez elle, et en même temps elle pourrait s'enfouir le visage dans les draps, s'y cacher et ne jamais en ressortir. Au lieu de tout ça, pourtant, elle reste silencieuse, figée comme face à un fantôme.


◇◇◇

Notre-Dame pleine de bruits, résonne des murmures et des pas de celles et ceux qui l'occupent désormais. Les sons se répandent de toutes parts, rebondissant contre les parois et colonnes, ou s'échappant jusqu'en haut, se perdant contre la voûte. Il y a comme une mélodie dans ces chuchotements ponctués de rares éclats, quelque chose d'étrangement satisfaisant aussi à sentir en permanence cette vie qui glisse, discrète mais bien présente. On pourrait dire que l'endroit n'a jamais été aussi vivant qu'aujourd'hui, et l'on n'aurait pas tout à fait tort. Autrefois cathédrale de silence, elle est maintenant le centre névralgique de tout un écosystème, certes minuscule mais bien présent. Agnès se dit souvent qu'elle aurait aimé la voir, avant. Mais plus personne parmi les membres de la Tour de Babel n'a connu cette époque, que l'on se raconte le soir comme d'autres partageraient une légende.
Dans la sacristie où s'est installé le modeste dispensaire des sœurs diaconesses, Agnès est au chevet d'une femme alitée depuis plusieurs jours : une grossesse difficile, déjà bien avancée, que l'on ne peut que surveiller en espérant une issue favorable. Sur son front brûlant, Agnès vient poser un linge humide, énième tentative pour la soulager d'une fièvre grandissante.

Elle entend qu'on s'approche, les talons qui frappent la pierre d'un pas lourd et encombré, on court presque maintenant. Agnès est alerte, tend l'oreille, mais poursuit ses soins. Quiconque se déplace a très distinctement le dispensaire pour destination, et elle n'a pas le temps de s'en inquiéter que déjà on est à sa porte - ou plutôt, à la tenture qui s'en approche le plus. On lui lâche un « s'il vous plaît » épuisé, soufflé comme une supplique, et alors Agnès se retourne. Là, devant elle, Alceste Huysmans, et dans ses bras une femme affaiblie, le bas du corps maculé de sang. Elle croit voir trouble un instant, mais rapidement l'urgence prime. « Il faut l'allonger ici, » lance-t-elle à Alceste alors qu'elle met en place le lit de fortune.
Doucement, elle finit par parvenir à réveiller la jeune femme, sonnée mais désormais éveillée. Agnès entreprend de l'examiner : le saignement semble s'être interrompu, laissant peu de doutes sur l'origine d'un mal dont Agnès a l'habitude. Elle sent sa patiente encore trop faible pour parler, mais saisit sa main qu'elle presse doucement, rassurante. « Ca va aller, » déclare Agnès, autant pour la femme alitée que celui qui l'a amenée. « Je vais vous changer, d'accord ? » l'informe-t-elle, en se dirigeant vers une commode dans laquelle elle saisit une robe blanche, informe mais confortable.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » elle demande pour confirmation à l'homme qui lui fait face, faisant fi de leurs retrouvailles improvisées. Neuf ans après, elle sait pourtant que c'est lui.
Alceste, tu as décidément le don d'apparaître là où je t'attends le moins.
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En société : petit prolétaire fonctionnaire qui fait ce qu'on lui dit tête basse. longtemps surveillé puisque huysmans l'état a bien vite décidé en riant qu'il n'avait pas la trempe ou les idées de ses parents et l'a laissé seul dans ses miasmes.
Organisation(s) : et pourtant alceste une fois l'attention d'état perdue s'est offert à l'ordre du plomb puisqu'il n'avait rien d'autre à apporter que lui.
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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Jeu 14 Mai - 16:24

il a la jeunesse vaillante, alceste, la jeunesse bravade. il s'apprête à pousser la porte de la chambre, tout aussi vermoulue que l'autre, et redresse ses épaules. pas question d'entrer puceau effarouché, il a malgré tout une certaine dose de fierté qui demeure. c'est à se demander de quoi il la tire. peut être bien qu'il espère qu'à force de l'écouter ça va la gonfler, lui donner la carrure d'un type qui fait des vraies choses dans sa vie. peut être que s'il fait ça, il cessera d'être simplement l'orphelin qu'ont laissé les révolutionnaires déchus.
si le trajet dans l'escalier a été semé de doutes et de poids dans l'estomac, l'action de pousser la porte il l'accomplit avec une tranquillité qu'il s'est construite de toute pièce. il pousse et un petit sourire s'étire même sur le côté droit de ses lèvres. un petit sourire presque supérieur. il se prend pour les autres élèves de l'école. un petit prétentieux pété de thunes à qui le monde appartient. il comprend leurs façades : c'est tellement plus facile de se mouvoir dans l'espace, sous elle.
mais parce que la vie n'offre pas de répit, parce qu'elle aime jouer des êtres et que souvent quand certaines choses commencent à s'écrouler dans la vie tout le reste suit, son sourire est comme figé dans l'ambre au dessus de ses yeux qui se voilent. si le coeur ne s'effondre pas encore dans les talons c'est qu'il n'est pas tout à fait sûr de ce qu'il voit. sous une épaisse couche de blanc, de carmin, toutes les femmes se ressemblent vite. pourtant c'est ce regard, perdu sous un chignon fait avec la maladresse de l'enfance, qui l'interpelle. ces paupières noircies soutenues par des cernes mal masquées. ces flèches bleues et constantes. une chose ridicule arrive alors à son corps, qu'il n'a jamais crue possible en dehors d'une scène de théâtre : sous le poids de ce qui s'accumule sur lui il tombe à genoux et s'approche rampant sur ses tibias du lit. il ne peut pas y croire, que c'est elle, que c'est agnès martel, compagne d'enfance, implacable gamine que ses souvenirs associent à la superbe. il a envie de prendre son visage entre ses mains mais n'y arrive pas. il la regarde éperdu. se dit que la vie est bien faite. que la vie est mal faite. balbutie. mais agnès mais qu'est-ce que tu fais là ? et il revient en arrière. se dit que tout ce temps qu'il a pris pour marcher jusqu'ici, pour monter l'escalier, pour prendre l'élan d'ouvrir la porte, tout ce temps qu'il destinait à coucher avec sa première fille, il se dirigeait vers agnès. une légère envie de vomir le prend et il pose ses mains dont il ne sait que faire croisées sur sa bouche.


◇◇◇

il pose la jeune femme sur le lit comme d'autres eurent fait d'un oiseau blessé. ses manches sont maculées il les frotte machinalement sans aucun effet. il regarde agnès, ses attentions. aucun geste n'est gratuit. tout est efficace. elle est sûre de sa pratique et il l'envie au fond. elle s'est sortie de cette sordide petite chambre et la voilà doctoresse. il ne se pose même pas la question de la foi, trop éloignée de lui. il regarde ses manches à elle relevée sur ses blancs avant bras qui ne tremblent pas quand elle soulève ce qui reste de robe à la jeune femme. comme hypnotisé. puis il s'aperçoit de ce qu'il a l'air de regarder s'aperçoit de la réalité de la situation et fébrile se retourne. dos à la situation il ferme brièvement les paupières de soulagement en entendant les paroles rassurantes d'agnès. il veut y croire, que tout va aller, qu'il n'a pas juste amené une femme mourir à notre dame dans l'indifférence. il entend les mouvements, le grincement de la commode, le souffle d'agnès qui s'accentue avec l'effort. il est planté là comme un idiot à vouloir aider sans le pouvoir.
trop d'enjeux se jouent dans cette situation. tomber à nouveau sur agnès, à nouveau à l'endroit le plus inattendu, la vie de cette femme qui s'est déjà tellement éparpillée sur ses vêtements, et sa présence ici. lui membre du plomb dans le bastion de la tour de babel. il lève les yeux vers le plafond de la cathédrale noirci par le manque d'entretien, les lampes à huile et à gaz, par le feu. quand on est extérieur à tout ça on ne sait jamais très bien s'il s'agit d'une légende urbaine ou si c'est vrai - et personne ne cherche plus loin puisque babel la pacifique intéresse moins que les révolutionnaires qui murmurent. ces religieux qui soignent et se racontent des histoires de bonne femme, quel temps aurait-on à leur accorder ? le voilà au coeur de. c'est beaucoup plus fourmillant, beaucoup plus important que ce qu'il s'était imaginé.
il comprend avec quelques secondes de retard qu'agnès s'adresse à lui. il n'ose toujours pas se retourner, ne sait que faire de son corps maladroit et se sent soudainement extrêmement vulnérable. il tourne légèrement la tête sur le côté, laisse ses yeux vissés au plafond. un type me l'a confiée en me disant qu'elle faisait une fausse couche, qu'il fallait l'amener ici. ces mots qu'il n'a jamais prononcés sonnent bizarrement dans sa bouche. ils lui paraissent abstraits comme le corps des femmes lui est abstrait. il ne sait pas exactement en quoi ça consiste, une fausse couche. est-ce que c'est un corps qui rejette un embryon ? ou un embryon qui s'expulse du corps, qui démissionne, non merci la vie, je décline votre proposition ?
ne lui vient même pas à l'idée de penser "bébé". et pourtant le doute lui vient. il en a vu, des femmes enterrer leurs bébés. il a entendu les pleurs dans les faubourgs. il a aussi senti l'arrondi sous la robe. la terreur lui vient et s'il reste retourné ce n'est plus par pudeur mais par crainte de ce qu'il verrait. un être tout juste formé et sans vie. il pense à sa mère yvonne, blanche d'avoir perdu ce qu'elle avait appelé sa "fraise de sang", son petit frère ou sa petite soeur, à trois mois. il se demande si elle aurait survécu de la perdre à huit mois, neuf. si elle aurait survécu à l'existence d'un visage malgré la mort.
il secoue cette pensée en se rappelant les derniers mots de l'homme. il m'a dit aussi de venir de la part de fernande. il prend conscience que s'il lui a dit ça c'est qu'agnès connait fernande. et si elle connait fernande, c'est qu'elle fréquente régulièrement les faubourgs - à moins que fernande ne fasse aussi partie de babel? impossible. et si elle fréquente régulièrement les faubourgs, alors pourquoi ne l'a-t-il jamais croisée ? comment est-ce possible qu'ils ne tombent l'un sur l'autre que dans des situations aussi extrêmes, aussi en rapport avec le corps des femmes ? qu'est-ce qui les lie, eux deux ?
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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Mar 26 Mai - 15:05

S'il existe des mots pour désigner l'état d'Agnès en voyant apparaître le client dans l'encadrement de la porte, elle n'est pas en état de le formuler elle-même. On aurait pu la dire sidérée, interdite, ou encore pétrifiée. Ici pourtant, point de Méduse, mais Alceste Huysmans. Alceste Huysmans, celui-la même qu'elle connaît depuis l'enfance, qu'elle pensait ne plus jamais revoir lorsqu'elle a descendu les marches de la maison Martel. Pour être juste, elle n'a pas pensé à lui, Agnès, quand elle est partie sans se retourner. Pour une fois, rare et précieuse, elle n'a songé qu'à elle et à elle seule en prenant cette décision. Et de la même manière, c'est seule, aujourd'hui, qu'elle l'assume quand à son corps s'en collent d'autres, quand elle s'allonge dans des draps défraîchis, quand elle attend que le prochain client franchisse le pas de l'étroite chambre. Rien à voir avec les lieux de leur jeunesse partagée.
Chez les Martel, tout se faisait en grandes pompes, la simplicité oubliée derrière une lourde porte en bois massif, abandonnée sur le paillasson. Faire bonne impression, toujours, sortir l'argenterie de grand-maman, servir un vin exotique devenu rare. Pour les Huysmans-Drelon-Faure aussi, on faisait cet effort ; Agnès se souvient des regards perplexes partagés avec Alceste, et de ceux, tout aussi troublés, qu'elle échangeait avec ses sœurs face à ce détonnant trio. Toutes, un jour, lui ont envié sa famille. Elle ignore si cela a été réciproque.
Là, pourtant, dans la clarté grise de la pièce, les regards qui se croisent sont bien différents de ceux des enfants. Ils disent, surtout, l'incompréhension et bien vite, Alceste joint aux œillades la parole.
Et puis s'effondre.
Il parvient jusqu'à elle sur les genoux, et désormais ils sont tous proches, plus proches qu'ils ne l'ont été depuis longtemps. Bêtement, elle hausse les épaules. Elle ne sait pas comment lui dire, Agnès, ce qu'elle fait là, car jamais ces mots n'ont franchi ses lèvres, jamais elle n'a eu à expliquer. « Ben, tu vois, quoi. » finit-elle par lâcher laconique, non sans un petit sourire en coin qui ne cherche ni la pitié ni la compassion. Reprenant peu à peu une consistance, elle ajoute sur le ton de la plaisanterie : « J'imagine que je ne te renvoie pas la question ? » Passé le choc premier, le plaisir de retrouver un visage familier après un an d'anonymat. Après la douleur vive, le temps du soin. Elle ne sait pas bien où se place Alceste selon cette théorie : est-il la béquille ?
Agnès avise l'horloge qui indique l'heure : elle a le temps. Elle tend une main charitable à celui qui est toujours au sol, bouche bée, l'invitant à s'asseoir à ses côtés.


◇◇◇

Bien sûr elle sent son regard sur elle, interpellé peut-être de la retrouver ici, neuf ans plus tard. Agnès travaille méthodique, sans se laisser distraire par ces yeux qu'elle sent sur son dos, comme un souffle dans la nuque, qui l'aurait certainement troublée auparavant. Trop de choses sont en jeu pour s'arrêter cependant, et elle s'attache désormais à appliquer un linge humide entre les cuisses maculées de la jeune femme, après lui avoir enfilé un vêtement propre.
La sensation d'être observée s'estompe ; par dessus son coude, Agnès constate qu'il s'est tourné, pudique, et cette idée lui arrache un faible sourire. Elle se relève, attrape une fiole d'onguent à base de sauge, qu'elle vient appliquer sur le bas-ventre de la patiente pour en soulager les crampes tout en écoutant les explications de son ami d'autrefois. Agnès hoche la tête. « C'est fini, d'accord ? Essayez de vous reposer un peu. » lance-t-elle à la femme au teint pâle, avant de rabattre une couverture sur elle.

Un peu plus loin, dans un coin du dispensaire, un petit récipient d'eau chauffe au-dessus du poêle, alimenté tant bien que mal à partir des boiseries qui ornent la cathédrale. Malgré les scrupules et protestations des plus anciennes des diaconesses, il a fallu en arriver à brûler quelques icônes religieuses pour assurer une chaleur minimale. Agnès s'en approche, et plonge dans l'eau des feuilles d'orties obtenues au marché noir : riches en fer, elles permettraient de pallier ne serait-ce qu'un peu aux pertes de sang de la jeune femme. De la tête, elle fait signe à Alceste de la rejoindre là où nul autre qu'eux ne pourra les entendre. « Tu connais Fernande ? » elle demande, intriguée. Alceste n'a jamais manifesté d'intérêt pour le soin, lui semble-t-il, et c'est comme un rappel de tout ce temps comme une rivière qui coule, traçant entre eux son lit. « Quel étrange hasard de te voir toi, ici, » se contente-t-elle de clôturer, songeuse.
Elle ne sait pas vraiment par où commencer, par où reprendre le fil d'une conversation commencée il y a neuf ans, ou peut-être plus tôt encore ?
Alors elle s'enfonce dans un silence qui se perd dans les hauteurs de la cathédrale.
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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Jeu 4 Juin - 17:10

question idiote, il est incapable d'autre chose que de poser des questions idiotes. peut être est-ce pour éviter de s'avouer la raison de leur présence ici, créer une fiction pour faire semblant d'autre chose, s'étirer au delà de cette chambre aux odeurs qu'on préfère ignorer. malgré son ridicule perpétuel il essaye alceste, toujours, de tenir les rênes de son corps déjà dénué de sens. il manque une pièce au puzzle de son éducation d'être humain, il manque une structure, une justification d'être qui le désinhiberait. ce n'est pas faute d'avoir eu des modèles, des modèles enviés d'une grande partie de la france et même de plus loin peut être. peut être est-ce faute de les avoir gardés.
la simplicité d'agnès, sa capacité à aller droit au but n'a pas disparu avec l'enfance. si elle non plus ne veut pas creuser la réalité, elle ne l'évite pas pour autant. bien sûr qu'il sait ce qu'elle fait là, il n'a juste pas su formuler sa demande : pourquoi le fait-elle. pourquoi sont-ils là tout les deux, eux qui il n'y a pas si longtemps cherchaient des conversations en ricanant autour d'une table beaucoup trop luxueuse dont ils ne savaient que faire. quel couteau, quelle fourchette, et pourquoi y a-t-il besoin d'autant de couverts à la fois quand il est vachement plus rigolo de manger avec ses doigts et que ça demande moins de nettoyage ? pourquoi leurs parents naturellement si simples se faisaient des manières une fois réunis ? ce rituel là leur avait appris au moins une chose : la vie est un jeu d'apparences permanent, et si l'on veut de la sincérité il faut du temps. il faut un interminable repas esthétiquement idéal pour en arriver à un café manches retroussées cravates dénouées et nappe tâchée où on se met à parler de choses qui comptent, enfin.

il avait entendu dire qu'elle s'était enfuie du foyer familial, il ne savait pas pourquoi. tout avait été très soudain, précipité par septembre noir, et lui, perdu dans les limbes de la solitude la plus absolue, avait cessé de sortir ou de chercher des nouvelles. il y avait bien hélène, la soeur aînée d'agnès, qui s'était dernièrement rapprochée de lui sans qu'il parvienne à comprendre pourquoi (cette dernière n'ayant jamais manifesté d'intérêt ou de sympathie pour sa propre famille); mais jamais ils n'avaient évoqué agnès. sans cesse elle lui demandait de lui rappeler des souvenirs de son enfance, de ses parents, de son éducation, éludant la sienne.

sans qu'il s'y attende, agnès le rappelle au présent en lançant une attaque qui n'en est pas une. ce qu'il fait là, bien sûr. est-ce que c'est une bonne chose qu'il soit tombé sur elle plutôt qu'une autre ? est-ce qu'à cette heure ci il aurait la fierté fébrile d'être nu glissé entre les draps avec une collègue à elle ? est-ce qu'il existe une chose qui s'appelle le destin et qui a voulu lui montrer que ses décisions depuis septembre sont merdiques, qu'il ferait mieux de tout remettre en question puisque c'est sur agnès et sur personne d'autre qu'il a ouvert la porte ? je me perds agnès. j'étais venu me perdre tout à fait. il manque d'ajouter "comme toi, non ?" mais par pudeur, par peur de froisser, il se tait. elle tapote les draps à son côté et il se lève machinalement. commence à s'asseoir, se rappelle ce qui s'y passe, dans ce lit, avorte son geste, se retrouve debout au milieu de la chambre comme un idiot. est-ce que tu as besoin de quelque chose ? comme s'il pouvait lui donner. il pense à hélène, à son fier port de tête, et se demande si elle sait où est sa soeur et surtout ce que fait sa soeur.


◇◇◇

son corps forme un angle étrange quand, ayant vu le mouvement de tête d'agnès, il s'applique à la rejoindre tout en tâchant d'éviter le lit où repose la jeune femme des yeux. il a conscience de paraître enfantin, faussement pudibond, il a conscience de l'ironie dans son comportement quand on repense à la dernière fois qu'ils se sont vus. son corps n'a depuis pas gagné en maturité émotionnelle ni d'expérience. il voit agnès être parvenue à devenir tout à fait autre et se regarde stagnant, empirant même, le temps perdu et celui qu'il détruit systématiquement. son existence est inutile. il la rejoint en grinçant imperceptiblement des dents. ça va aller ? dit-il d'un petit signe de l'épaule vers l'alliée. il est surprenant que dans une époque pareille et dans la vie aussi modeste qu'alceste mène depuis presque dix ans il n'ai jamais été confronté à la mort ou la maladie de cette manière. il se pensait harassé par la vie, il se découvre préservé. il s'aperçoit que c'est une plante qu'elle plonge dans l'eau bouillante et ses yeux s'accrochent et ne s'en détachent plus. il n'a pas vu de plante à l'air libre depuis si longtemps, et ne serait même pas capable de l'identifier. cet espèce de miracle de vie qu'agnès manipule avec une telle simplicité, comme si c'était banal, comme si c'était du tout les jours, l'émerveille et le met mal à l'aise à la fois.

et puis la question de la jeune femme tombe et le voilà bien embarrassé. que lui soit dans le plomb n'avait rien d'un scoop, personne n'est capable d'imaginer le contraire bien qu'il ai mis quelques années à rejoindre l'ordre. en revanche, que fernannde y soit, ça, à part les révolutionnaires engagés, personne ne le sait - et surtout pas marguerite, sa femme. s'il fréquente abondamment les faubourgs par la force des choses, il n'a jamais mis les pieds au remède de bonne femme. marguerite ne le connait que de nom. si quelqu'un allait vérifier une amitié potentielle avec Fernande cette personne ne trouverait rien d'officiel et serait obligée d'en tirer des conclusions évidentes. il s'aperçoit de la situation doublement délicate dans laquelle le type qui lui a confié cette mission l'a mis. maintenant la décision lui revient. mentir mal, ça c'est sûr. mais mentir dans quel sens ? son envie d'inventer avoisine le néant, surtout pour agnès. mais il ne s'agit pas de son intérêt personnel, cette fois. il ne s'agit pas de son intégrité. il s'agit de protéger quelqu'un. non je ne connais pas fernande, on m'a juste dit de te dire ça. c'est une des apothicaires du faubourg c'est ça ? il est surpris lui même de la facilité avec laquelle ça lui vient. tellement enthousiaste, même, qu'il enchaine trop rapidement sur la suite. ça semble être de coutume entre nous deux, se tomber dessus aux endroits les plus improbables. tu es ici depuis longtemps ? mon dieu tu avais à nouveau complètement disparu j'ai cru qu'un malheur était arrivé. pourtant si tu vas à l'apothicaire alors tu traines dans les faubourgs, j'aurais du te voir ! il parle trop vite, il enchaine trop vite, ne laisse aucune place à la réponse, et sans s'en rendre compte, en ayant l'impression d'être le plus parfait des bonimenteurs, il se grille.

respire alceste, il se dit, en ayant conscience qu'il n'a pas respecté le silence pensif de la jeune femme, qu'il ne l'a pas laissée digérer ce qu'elle doit digérer en tant que soignante, en tant que femme qui construit la suite mais aussi en tant que celle qui doit gérer le passé. bref, est-ce que je peux faire quelque chose ? il n'a pas conscience de prononcer presque exactement les mêmes mots qu'il y a neuf ans. il est juste plus arrangeant d'aider les autres quand on veut s'éviter.
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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Jeu 25 Juin - 16:57

Debout soudain. Voilà Alceste sur ses deux pieds, reprenant un semblant de consistance. Ses bras ballants et sa mine défaite évoquent un épouvantail dans un champ, mais un champ dévasté où il n'y aurait rien à protéger - un bien triste mannequin à l'abandon, qui est là sans qu'on sache bien pourquoi ; et d'ailleurs, lui aussi semble l'ignorer. Peut-être que finalement il ne se protège que lui même, quand il se dresse comme pour se dédouaner de son appartenance à l'univers physique de la chambre, du lit, des draps. Il est là pourtant, entièrement, matériellement, même s'il semble ignorer le rôle qu'il peut tenir dans tout cela.
Agnès le regarde, scrute ses traits tiraillés, autant par la fatigue que par le malaise. Elle sent qu'il s'agite, qu'il n'arrive pas à trouver sa place entre ces quatre murs. Elle se demande ce qu'il aurait fait, s'il s'était réellement trouvé face à une femme, s'il aurait été capable d'aller au bout du geste ; elle se demande aussi s'il s'agit là de sa première fois. Leurs vies ont pris d'étranges chemins, se dit-elle enfin, quand elle se souvient des portraits des parents d'Alceste en une des journaux, il n'y a pas si longtemps. Ils ne sont plus là ; et elle, elle avait presque oublié, trop occupée à sa nouvelle solitude. En balayant tout ce qui se rattachait à cette vie d'avant, elle avait coupé un fil qui courait depuis l'enfance, entremêlé avec d'autres, ceux de ses sœurs bien sûr, celui d'Alceste aussi. Est-ce que pour lui aussi le fil s'était rompu en septembre ?

Doucement, Agnès se lève. Ils font presque la même taille, et les voilà désormais face à face. Si la position lui est étrange, elle n'en est pas moins agréable, et elle sent que quitter le lit et se tenir au même niveau que lui donne à leur échange une toute autre dimension. Derrière eux leurs rôles respectifs, ils ne sont maintenant plus qu'Alceste et Agnès. Pas vraiment comme autrefois, pas vraiment différents pourtant.

« On se perd tous un peu, parfois, » elle lâche avec un sourire qui dit encore : ce n'est pas grave, je te comprends. Et elle voudrait lui en dire plus encore, mais elle ne sait comment parler de ses parents, de cette vie nouvelle qui est la sienne. Elle voudrait que ce soit simple entre eux, parce qu'au fond elle se réjouit de ces impromptues retrouvailles autant qu'elles l'ont impressionnée. « Non. Je vais bien, ne t'en fais pas pour moi. Tu sais, je ne regrette pas d'être partie. » finit-elle par lâcher, réponse à une question qu'il n'a pas posée. C'est une affirmation qu'elle sait on ne peut plus vraie : avant, elle étouffait. Et si son quotidien aujourd'hui est moins enviable que ce qu'il aurait pu être, elle n'en reste pas moins plus libre. « Et toi, comment vas-tu ? » Elle n'explique pas sa question plus que ça mais la laisse en suspens, flottante, et espère qu'il saisira l'épaisseur qu'elle confère à ces quelques mots.


◇◇◇

Alors qu'elle continue de s'affairer de part et d'autre du petit dispensaire, Agnès sent bien que le malaise s'installe chez Alceste, qui semble ne savoir où se mettre. Elle n'accueille que rarement des hommes dans cet espace, quelque part entre la protection d'un sanctuaire et l'intimité d'une chambre. Elle poursuit donc la mission qui lui revient, avec une application sans failles, peut-être plus grande encore maintenant qu'elle sait qu'il est là, à côté d'elle - comme une démonstration de ce qu'elle fait, de qui elle est désormais.

Elle sent l'empressement dans ses réponses quand elle l'interroge sur Fernande, elle sent aussi l'envie qu'il a de parler, les mots comme un flot qu'elle accueille non sans un sourire. « D'accord. Oui, c'est elle. Mais tu sais, je n'y vais pas souvent, je quitte assez rarement les lieux. » répond sobrement Agnès, toujours immédiate dans ses prises de parole ; pas du genre à se perdre en réflexions ou en longues phrases, et les années passées dans le presque silence des sœurs diaconesses n'avaient fait qu'ajouter à cette habitude déjà ancienne. lors qu'elle se souvient de leur dernière rencontre, déjà lointaine, pourtant étrangement proche maintenant que les voilà réunis.

« Je suis ici depuis... cinq ans, » elle répond, prenant le temps de réfléchir tant le temps s'est étiré depuis son arrivée à la cathédrale, où la vie semblait parfois s'écouler différemment, coupée des foules et de la ville.
A sa proposition, elle sourit. Se souvient-il d'avoir prononcé les exacts mêmes mots ? Longtemps, cette phrase est restée dans l'esprit d'Agnès, revenant à elle quand elle n'y pensait plus. Elle s'est souvent dit qu'elle aurait pu lui demander de l'aide, un toit, quitter plus tôt la rue ; mais alors elle n'aurait sûrement pas été là où elle est aujourd'hui. « Ca va aller je pense, merci. Toi, comment vas-tu ? Que fais-tu ? » D'une voix douce, Agnès lui répond par les mêmes questions que neuf ans plus tôt, tout en s'écartant un peu plus du lit où se repose la jeune femme.
« Je suis heureuse de te voir, ça me paraît fou de t'accueillir ici. » Elle dit, réalisant soudain que sa tenue est on ne peut plus différente que celle qu'il lui avait vue autrefois.
Peut-être le fil n'était-il pas coupé après tout ; peut-être s'était-il seulement fait plus fin, avant de s'épaissir de nouveau, à l'aune d'une rencontre inattendue.
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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Dim 5 Juil - 16:09

ce qui lui vient à l'esprit le déroute. dérouté parce qu'il s'aperçoit que ça naît d'une bonne intention mais que ça s'écoule en jugement. alors que voilà leurs deux destins évoluant en parallèle, deux gamins promis à des avenirs glorieux dans les bas fonds du monde, seuls et perdus, il sait qu'il se trouve là parce qu'il a été arraché à autre chose. il ne peut s'empêcher de voir agnès quittant sa famille, leur arrachant sa vie, leur arrachant sa présence. et pourquoi ? pour ça ? c'est donc qu'il y avait quelque chose de bien terrible au sein de ce foyer pour lui préférer cette chambre. le confort ou la dépossession perpétuelle ? et tout conscient qu'il est de juger, sa pensée le dépasse. il se dit qu'il connait agnès assez pour comprendre que si elle a fait ce choix c'est que ce confort qu'il s'imagine n'était que façade. façade, comme les dîners de leurs enfances, façade comme le personnage qu'il s'invente de jour en jour à l'école. de nouveau le visage d'hélène lui traverse l'esprit, hélène qui s'est elle aussi enfuie de la famille martel, quoi que d'une façon bien différente. elle aussi il l'a jugée pendant longtemps, tous l'ont jugée, parce que passée au mercure, parce que passée à l'ennemi. personne alors n'avait cherché plus loin. face à agnès dans cette chambre sinistre il commence à se dire que si toutes les soeurs martel fuient le nid familial d'une façon ou d'une autre c'est qu'il y a encore quelque chose d'autre derrière. la phrase puis le sourire de la jeune femme ne font que le confirmer dans son idée. ce sourire compatissant est celui de quelqu'un qui pèse ses mots par expérience.

agnès lui fait maintenant face et les centimètres qui les séparent sont négligeables. il y a une douceur qu'il ne saurait expliquer dans cette proximité. comme s'ils avaient laissé la place dans la chambre pour qu'autour d'eux le bal des années se déroule dans des nuées argentées, la course inextinguible du temps plus épaisse que le smog. eux, pour une fois intouchables. elle va bien. elle ne regrette pas. qu'y a-t-il à ne pas regretter. que se passait-il chez vous pour que vous partiez toutes ? le murmure lui échappe, la pensée trop pressante contre son front pour se contenter du seul espace de sa boîte crânienne.

elle lui offre presque de concert un passage à autre chose. à son état à lui. ce que ces tourbillonnements qui les entoure ont fait de lui. je joue le jeu. je ne sais pas combien de temps ça tiendra aux yeux des autres, moi ça ne tient plus depuis longtemps. comment dire sa détresse ? comment dire l'absurde vacuité de sa vie depuis septembre ? comment dire qu'il n'a pas eu la résilience des personnages de roman qui reprennent le flambeau superbe de leurs aînés sacrifiés pour l'amener encore un peu plus loin, pour jouer sa manche de la partie avant de la transmettre à ses propres héritièr.e.s ? comment dire qu'il vit déjà l'échec complètement avant même d'avoir essayé ? cette sensation de ne jamais pouvoir être compris de quelqu'un d'autre puisqu'il ne se comprend pas lui même ?

comme une excuse puisqu'il s'en cherche toujours quand il est confronté aux questions fatidiques, alceste prend soudain conscience qu'ils seront probablement interrompus par la fin des quarante minutes qu'il a réglées. et depuis septembre où tant de choses se sont déroulées en si peu de temps il sait que quarante minutes c'est peu, ça ne veut rien dire, l'humain n'a aucune prise sur le temps alors que l'ironique inverse est vrai de façon si dévastatrice. ces minutes soudain l'oppressent, ravivent sa fébrilité, lui paraissent garantes de l'impossibilité de faire un constat véritable de ce qu'est sa vie.


◇◇◇

l'enfant qui meut encore alceste n'a pas le temps de croiser les doigts dans sa poche de pantalon pour espérer que sa logorrhée nerveuse ne soit pas trop suspecte. agnès, trop prise à sa tâche, ne cille pas. s'il reconnait la jeune femme qui l'a vu grandir, il sent aussi profondément les changements en elle. elle est dévouée complètement à quelque chose. elle a voué sa vie à. elle semble parfaitement imperméable au doute, investie de quelque chose de plus grand qu'elle. il ne la comprend peut être pas mieux que neuf ans auparavant, mais cette fois il l'envie. reconnaissant de sentir que son mensonge n'a soulevé aucune question, il se précipite sur le sujet suivant. tu sors rarement ? ça ne te manque pas ? c'est pour vous cacher c'est ça ? alceste confronté à un univers sur lequel il n'a aucune prise a l'empressement d'un gamin à l'âge où il exige de tout savoir. il est calmé par l'image de quelqu'un débarquant au plomb avec la même ferveur interrogative : suspect et indésirable, voilà ce qui surgirait dans l'esprit de tout le monde. il s'empêche donc de demander comment elle a atterri ici cinq ans plus tôt, comment quiconque atterri ici tout court. il se contente d'un bref hochement de tête comme si c'était entendu.

il la regarde se saisir d'un linge pour ôter les orties fanées par l'eau du récipient, puis y plonger une tasse ébréchée. ce faisant, elle lui pose exactement la même question qu'il y a neuf ans - rien d'extraordinaire en cela, ce ne sont après tout que les questions d'usage qu'on inculque à tout un chacun mais alceste se rappelle amèrement des réflexions dans lesquelles elle l'avait plongé toutes ces années en arrière et constate que son esprit s'enfonce avec hâte exactement au même endroit. moins fébrile, plus obsessionnel, plus aigri. si la situation n'avait pas été aussi extraordinaire, il aurait peut être même ri sans joie. j'ai perdu au jeu, depuis ! il est presque outré qu'elle lui demande ce qu'il fait quand il baisse les yeux sur ses habits. s'aperçoit qu'une fois n'est pas coutume il est en civil, et se sent étrangement nu, repérable. ravise son élan de mauvaise humeur. je suis allumeur de réverbères. son ton est étrangement neutre, blanc. à force d'y avoir tant pensé, il n'en pense plus grand chose, de cette profession de fortune.

la voix d'agnès le rattrape à nouveau tout juste sur le chemin de l'aigreur. et même, il esquisse un sourire. peut être en effet que cette rencontre est un signe comme elle l'avait été neuf ans auparavant. peut être qu'elle augure de temps meilleurs, d'un différent regard sur l'existence. peut être qu'il y a de l'espoir quand paris énorme laisse malgré tout ses rues rapetisser pour que se revoient les gens qui s'aiment ou s'apprécient. moi aussi. il y a certainement quelqu'un ou quelque chose quelque part qui essaye de nous envoyer un signe. il n'y croit pas tellement à ces trucs là, ou bien c'est qu'il ne s'est jamais vraiment posé la question. la phrase lui vient cependant spontanément, comme s'il avait perçu le degré de consolation qu'elle venait remplir. s'il se penchait sur la question il y verrait là l'explication la plus pure de l'existence de la religion.
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Re: notre terreur (agnès) / tw : fausse couche    Mer 5 Aoû - 17:35

C'est une chose singulière que de grandir au côté d'une autre personne, un être à part entière, dont on apprend peu à peu à connaître les reliefs, les aspérités, les contradictions. On la voit changer, quand on ne change pas avec elle, et alors on peut se targuer de la connaître. C'est une toute autre sensation alors que d'être séparé de ce même individu, pour le retrouver, plus tard. Entre un avant, fait des gestes du quotidien, et un après dont on ignore tout, un interstice se dessine, comme une fissure qui lézarde un mur. On peut la colmater au mieux, mais on ne pourra jamais la faire disparaître toute entière ; il faut apprendre à vivre avec. Bientôt, elle fait elle-même partie de la maison, non plus de ses fondations, mais de son histoire.

Retrouver Alceste, c'est découvrir une brèche dont on ignorait même l'existence sans bien savoir comment la réparer, tant il semble insaisissable. On croirait presque que lui-même ignore ce qu'il fait là, dans cette chambre pâle et froide. Durant l'année écoulée, Agnès n'a guère pensé à lui -- en réalité, elle ne s'est pas accordé le droit de penser à grand chose d'autre que ses moyens de subsistance. Le retour de son passé, figuré là par le fils Huysmans et son air penaud, n'en est que plus troublant, et elle ignore encore comment y réagir. Alors, elle se contente d'être, être simplement là, comme elle le fait depuis un peu plus d'un an maintenant. Les grands discours et les discussions enflammées ont laissé place à un pragmatisme auquel Agnès a toujours aspiré. Peut-être que c'est ce qu'elle voudrait répondre à Alceste, quand il l'interroge sur son départ, le sien parmi d'autres, à ses dires.

« Que l'on parte toutes ? Comment cela ? » elle réplique vivement, plus qu'elle ne l'aurait voulu. Le cœur s'emballe, quand pour la première fois est faite mention de ses sœurs. Il bat plus vite mais Agnès s'efforce de prétendre le contraire, droite dans sa décision, droite dans son ignorance. C'est un choix qu'elle a fait, et il est trop tard pour rebrousser chemin. D'ailleurs, elle ne le voudrait pas. Mais les miettes d'histoires des Martel que sème l'homme l'attirent, et elle ne sait y résister.

Et puis vient la confidence, les demi-mots d'un Alceste qu'elle sent fragile et tellement loin, qu'elle ne sait que faire pour lui apporter son soutien. Agnès l'étreint alors, et c'est un geste spontané comme elle n'en a pas fait depuis longtemps. « Tu t'en sortiras. Je crois que tu es plus fort que tu ne le penses, » elle répond dans un souffle, sans vraiment savoir ce qui lui a dicté ces paroles. Elle n'a pas d'exemple pour étayer ses propos, elle ne sait plus rien de lui, mais ce sont les mots du réconfort, non pas ceux de l'esprit mais bien ceux du cœur.

Lorsqu'Agnès relâche son étreinte, leurs regards se croisent, et elle voit ses yeux préoccupés. « A quoi tu penses ? » finit-elle par lâcher avec un coup de coude, sourire en coin. Vaine tentative de détendre une atmosphère passablement alourdie.


◇◇◇


Agnès sent que l'homme en sa compagnie s'est mué en quelqu'un d'autre, au cours des neuf dernières années. Bien sûr, au fond, il est le même. Mais elle le perçoit plus sec, comme si l'incertitude qui l'habitait autrefois s'était évaporée, remplacée par un genre de résignation, le dépouillement de la fébrilité qui autrefois occupait tant de ses pensées et de ses gestes. La dernière fois qu'elle l'a vu, ce n'était que quelques mois après la mort de ses parents ; aujourd'hui, le deuil a été fait. D'elles et de lui, mais aussi de celui que l'on s'attendait à ce qu'il devienne dans leur sillage. Désormais, il n'est plus que lui-même, et il en paraît étrangement serein.

« Oui. Tu dois savoir qu'être croyante, de nos jours, n'est pas... tout à fait une partie de plaisir. Mais ça ne me manque pas vraiment. Je n'ai jamais été très à l'aise en société, tu le sais, » elle lui répond avec un sourire complice, repensant aux nombreuses festivités organisées chez les Martel qu'ils avaient fui ensemble, traînant sur le perron dans l'obscurité, quand à l'intérieur la fête battait son plein. « En fait, je suis bien ici. Et puis je me sens utile, » elle ajoute après un temps qu'elle s'accorde pour réfléchir à ce qu'elle aime à Notre-Dame. Bien sûr, il y a la bâtisse plusieurs fois centenaires, la manière dont le son s'y réverbère et celle dont la lumière se répand à travers ses hautes ouvertures. Mais surtout, il y a là une vie qu'elle ne s'était jamais imaginée - qui l'aurait pu ? - et qui, chaque jour, lui apportait une simplicité sereine. C'était bien là tout ce qu'elle cherchait, depuis tout ce temps.

Balle à Alceste, qui lui dévoile ce à quoi il occupe la majeure partie de ses journées. « Allumeur de réverbères et sauveteur de demoiselles en détresse, donc ? Drôle de double-casquette, » lâche-t-elle amusée face à son air neutre. Si on leur avait dit, la dernière fois, qu'ils occuperaient tous deux ces métiers de petites mains, probablement n'y auraient ils pas cru, et cette idée séduit Agnès. Sur son visage se peint un sourire songeur, incontrôlé, juste pour elle-même.

« Je crois, oui, que nos chemins étaient amenés à se recroiser. » Quelqu'un ou quelque chose. Quel que soit le nom qu'on lui donne, la tentation d'y voir un signe d'une quelque entité supérieure est plus forte, et Agnès l'accueille avec satisfaction. Si elle a des mots pour ce dieu, ça n'a pas toujours été le cas, et elle sait se garder de les partager quand la situation ne s'y prête pas. « Peut-on essayer de ne pas disparaître complètement l'un et l'autre pendant neuf ans, cette fois ? » Elle demande, première évocation d'un futur dans lequel ils ne seraient plus seuls.
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