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 les feux de l'ambition _ héloïse&auguste

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Auguste Dubreuil

Auguste Dubreuil
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Activité : Pianiste-répétiteur, dans le secret de la demeure familiale, métier d’exactitude qui lui sied aujourd’hui parfaitement et depuis peu voix de l'Empire.
En société : Les ornières où l’on finit sont des entraves à une existence qu’il souhaite encore imaginer libre dans le plus grand des secrets de ses esprits, alors les allégeances sont parfois floues.
Besace : Un carnet relié de maroquin rouge, avec les initiales a. e. d. estampées, un diapason, les derniers livrets des opéras à la mode, des partitions annotées et froissées, des absolus et des rêveries discontinus.

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les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Mer 28 Oct - 13:36

les feux de l'ambition

@héloïse lombard & auguste dubreuil


Il est tard. Peut-être un peu tard pour se trouver encore à trénasser dans les couloirs du palais Garnier. Les lueurs ici se tamisent, sur les murs tendus de velours rouge. Les dorures fleurissent, envahissent les plafonds, et les quelques moulures qui dessinent des oeuvres oubliées. Défigurées par un Empire qui ne peut que les imaginer chanter ses louanges, pour ne jamais murmurer ses méfaits. Auguste a beau être instruit, il ne connaît que ce qu’on a destiné à son éducation, et la littérature qui s’épanouissait dans les hautes bibliothèques de la Mazarine. Mais même le pouvoir ne peut chasser tous les mots subversifs des ouvrages, et l’on ne peut encore targuer l’empire de Céleste de cette hérésie qui voudrait que l’on se chauffât aux feux des autodafés. D’autres temps jamais nés. Alors il est tard, et les oeuvres ici sont défigurées : mais quelles beautés savent-elle encore exalter, pour peu qu’on sache les voir. Auguste la cherche, c’est vrai, la beauté très incarnée de l’étoile qui cherche à naître. Il a entr’aperçue sa silhouette tout à l’heure, et il connaît le chemin de ses domaines pour y avoir déjà pénétré quand il a fallu remplacer au pied levé le musicien qui accompagne la troupe des danseuses. C’était il y a quelques mois. Et déjà, le passé revenait en trombe pour bousculer leur présent.

Il lui a fallu de longues minutes, si ce ne fut pas des heures, pour réaliser qui elle était. Car l’on peut sans doute se dire que l’on connaît quelqu’un lorsqu’on l’a surpris à flirter avec le danger. Quand on l’a vu repousser les limites pourtant parfaitement claires de la loi. Point divine car qui se souvient de cela ? Plutôt temporelle, réelle, pour ne pas dire inflexible. Celle des hommes a toujours ce poids auquel il est impossible d’échapper. Alors voilà, c’est juste une silhouette dans la nuit, près du hangar qui jouxte l'embarcadère, des reflets d’une chevelure, l’expression d’un visage, l’éclatante note d’un larcin. Brutale, dans l’éther de la nuit. Il était tard ce jour-là aussi. Elle était coupable et il l’était aussi s’il se taisait. Il s’est donc rendu témoin de l’acte, a été aussi précis qu’il le fallait lorsqu’il l’a décrite auprès du brigadier qu’il a rencontré. Un monsieur comme il faut, cela doit dire ces choses-là, surtout lorsqu’on est un bourgeois. L’acte s’était cependant contrarié quand on avait de nouveau convoqué Auguste dans les entrailles de l’office de la gendarmerie impériale pour reconnaître la coupable, parmi une douzaine de demoiselles, épinglées sur un fond blanc, dans une atmosphère froide, entourée d’une mécanique de cuivre qui suivait alors la moindre de leurs expressions. Cette expérience-là ne lui avait pas plu, il se trouvait mal à l’aise, dans un inconfort grandissant. Dire que l’on avait été le témoin d’un vol passait encore, c’était un acte de bon citoyen, mais de là à laisser une marque indélébile sur un destin, c’est bien différent. Il l’a reconnue pourtant, c’était elle cette-nuit là, c’était elle dans la lueur de la pièce blafarde, c’était elle. Il était physionomiste, et s’il oubliait parfois les noms ou les nombres, jamais un visage, ou une posture, ne pouvait lui rester étranger.

Il s’était tu pourtant. Il avait menti, et cela s’était arrêté là. Une autre nuit pour éviter le carnage, ou du moins pour imaginer un autre destin où il ne serait point l’artisan d’une fin précoce. Puis sa posture. Sa façon de se tenir. C’était quelque chose, quelque chose qui resta longtemps. Qui ne le quitta pas, jusqu’à la revoir sur cette scène, au milieu des autres danseuses anonymes. Sauf qu’il la connaissait elle. Ni un nom, ni un numéro. Une allure. Juste cela. C’était peut-être pour ça qu’il s’était tant refusé à la donner, parce qu’il y avait une part de rêve dans sa façon d’évoluer, même dans les entrailles de la loi. Et sur une scène, c’était encore plus flagrant que ça.

Alors oui, il la cherche aujourd’hui, car il connaît depuis ses habitudes. A cette heure-ci, elle s’entraîne sans relâche, quand toutes ses congénères ont déserté le bâtiment pour rejoindre d’autres occupations. Posture, allure, course conjuguée au futur altier. Elle veut devenir, elle souhaite parvenir. Cela l’a frappé, peut-être même dès qu’il l’a vue la première fois alors qu’elle s’enfuyait, chargée de ce qu’elle avait dérobé. Peut-être à ce moment-là. Il pousse la porte, pénètre l’antre, dévoile le parquet versailles où ses pas mesurés s’exercent en cadence. Il se tient près de la porte, silencieux, presque sentencieux, sans qu’un mot ne quitte encore ses lèvres. Il est toujours délicat de savoir quand il faut interrompre une répétition, même si elle est solitaire… Un temps, deux, trois. Puis encore un avant que son timbre ne trace un chemin jusqu’à elle :
Vous vous entraînez toujours à cette heure-ci dans ce silence pesant. Toujours.

Il sait qui elle est mais il ne lui dit pas. Déjà lorsqu’il a servi de secours à ce musicien défaillant, il n’a pas osé l’aborder. Pour lui dire quoi, au bout de quatre heures de mouvements et d’harmonies ? Je ne vous ai pas dénoncée, et j’ai bien fait. J’ai terriblement bien fait lorsque je vous vois danser. Pour lui dire quoi…
Hector s’est-il remis de son bras cassé ? J’ai appris qu’il jouait de nouveau pour la troupe. Un bon pianiste n’est-ce pas ?
Un fin sourire et une lueur amusée dans ses yeux noirs. Un bon pianiste mais sans doute moins bon que moi, c’est ce qu’il veut dire. Ca n’est guère une vantardise, c’est la simple vérité.
Héloïse Lombard

Héloïse Lombard
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Organisation(s) : almeria, chapeaute une équipe de pirates des airs - officie elle-même quand elle l'estime nécessaire - sous surveillance de la justice après avoir échappé de peu aux barreaux
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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Ven 30 Oct - 20:46


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@auguste dubreuil & héloïse lombard

Une chappe ténébreuse avait recouvert Paris. Plongeant le palais d’or et de velours dans une atmosphère lugubre. Ecrin vidé de ses joyaux. Les notes mélodieuses des instruments ne s’évadaient plus dans les couloirs, le parquet ne craquait plus sous les pas contrôlés des danseurs. La nuit offrait à Héloïse un calme rare, propice à la concentration, au travail. Le ballet ‘Giselle’ était à l’honneur cette saison. Une première pour la jeune ballerine qui venait d’achever un marathon de représentations du fameux ‘lac des cygnes’. Après s’être parée des plumes immaculées du cygne, l’histoire de ‘Giselle’ voulait qu’Héloïse se métamorphose en fantôme pour les prochains mois. La gestuelle à adopter était radicalement différente pour les danseuses. Il fallait soudainement délaisser les ailes majestueuses, formées par de grands mouvements de bras étirés le plus possible au-dessus de la tête. Ici, la mythique chorégraphie imposait aux danseuses de ramener leurs mains délicates en croix près de leurs poitrines, et d’incliner légèrement le haut de leurs corps vers l’avant. Le ballet représentait alors une nuée de spectres tout droit sortis de leurs tombes, tiraillés entre deux mondes. Sur scène, toute la difficulté résidait dans l’expression de ce dilemme. Le public devait percevoir aisément ce désir d’errer sur terre et cette force céleste invisible qui semblait attirer les âmes déchues. Pour l’occasion, la rouquine avait revêtu le long tutu blanc fidèle à ce ballet romantique par excellence, sur un justaucorps noir. Il fallait s’imprégner au plus vite de l’atmosphère, et s’adapter à cette posture particulièrement gracieuse, propre au chef d’œuvre de Jules Perrot.

Depuis bientôt deux heures, la jolie danseuse au chignon cuivré enchainait arabesques et sauts dans la plus grande discrétion. Pointes ancrées dans le sol mais démarche aussi fluide que celle d’un fantôme flottant au-dessus de la terre. L’œil expert qui s’aventurait dans le reflet du miroir de temps à autre. Rêve d’étoile en ligne de mire, Héloïse avait fait de la salle de répétition une bulle. Sa bulle. La pierre précieuse se façonnait dans l’ombre, à l’abri des regards. C’était toutefois sans compter sur cette voix qui vint transpercer ce vide nocturne apaisant. Elle perdit alors pied, littéralement, descendant brutalement de ses pointes dans un sursaut de peur. Bâclant la fin de son élégante course, le palpitant de la belle manqua un battement. Dénouement lamentable qui n’avait évidemment rien à voir avec la magnifique pose finale programmée. « Vous m’avez fait peur. » lâcha-t-elle en plaquant sa main sur sa poitrine soulevée par une respiration haletante. Auguste se tenait dans l’entrebâillement de la porte ; droit, majestueux comme à son habitude. Tel un roi, rayonnant de beauté et de talent, si merveilleusement intégré dans le décor somptueux du palais Garnier. L’incarnation même de la prestance. Toujours tiré à quatre épingles, il intimidait la jolie rousse dont les joues s’étaient tout à coup enflammées. Était-ce l’effet de l’effort ou le trouble lié à ce regard inquisiteur posé sur elle ? Sans doute un mélange des deux. Il fallut d’ailleurs un instant à la ballerine écarlate pour reprendre ses esprits. Contrairement aux idées reçues, la danse classique était un art intense, extrêmement rigoureux et physique. Un flux de questions et d’émotions surgissaient : Depuis quand Auguste était-il là ? Pourquoi était-il là ? La dernière fois que leurs regards s’étaient croisés remontait à plusieurs mois, alors qu’Auguste s’était engagé à remplacer le pianiste habituel du ballet, blessé. Aussi, regrettait-il de ne pas l’avoir dénoncée ? Ses vieux démons avaient de bonnes raisons de refaire surface. « Malheureusement, trop peu flexible sur ses horaires. » confia-t-elle finalement au musicien après quelques secondes d’un silence qui lui permis de reprendre quelque peu son souffle. Hector était un artiste hors pair, patient - et Dieu sait qu’il fallait l’être avec les maîtres de ballet de l’Opéra -, mais terriblement à cheval sur ses heures de travail. Trop au goût de la troupe. L’heure, c’était l’heure. Après l’heure, ce n’était plus l’heure. Le corps de ballet n’avait d’autre choix que de se plier à ses exigences, empêchant à toute répétition de jouer les prolongations. Seules les étoiles avaient le privilège de pouvoir réviser leurs solos en compagnie de pianistes. Les autres danseuses et danseurs du ballet de l’Opéra devaient perfectionner leur technique en parallèle, dans un silence déroutant. « Difficile de travailler sans musique. » déplora-t-elle en haussant les épaules, mains placées sur les hanches. Pour une ballerine, danser sans musique, c’était comme demander à un cuisiner d’officier sans ustensiles à sa portée. La tâche était laborieuse. C’était même un véritable défi, qui ne semblait cependant pas effrayer Héloïse, que rien n’arrêtait quand il s’agissait de sa passion. Pourtant, à ses yeux, la musique était à la danse ce que le cœur était au corps humain : un organe vital. A défaut de mélodie pour la guider, la jeune femme s’évertuait toujours à ce que le moindre pas, la moindre gestuelle soit parfaite.  

L’arrivée fortuite du pianiste avait le mérite de la contraindre à s’accorder une pause. La soif commençait à assécher sa gorge. Elle se dirigea alors vers le banc sur lequel elle avait entreposé son sac, puis en sortit une gourde. « Je ne suis pas seule à ne pas compter mes heures visiblement. Une répétition qui s’est éternisée ? » demanda-t-elle naïvement avant de porter la bouteille à sa bouche. Manière subtile d’interroger le prodige sur les raisons de sa présence dans l’enceinte du palais à une heure aussi tardive.


Dernière édition par Héloïse Lombard le Dim 15 Nov - 11:44, édité 2 fois
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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Mar 3 Nov - 19:40

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Sous le couvert de la nuit, les confidences se tissent. Dans la tête, dans le vide, dans l’éther embrumé par les relents de la grisaille. Un écrin de lueurs dans les ténèbres, c’est sa danse, son mouvement contre la course du temps. A chaque pas, une fêlure. Pas celle que peuvent dessiner les maladresses, non, les seules qui puissent écarter une seconde les pans de l’existence pour la dévoiler. Auguste se fait l’effet d’être un spectateur malvenu, celui qui ne fut ni invité, ni même espéré, mais son regard noir s’aimante à cette toile qu’elle tisse, délie parfois, retravaille sans cesse. Il y a la recherche de la perfection, comme chez toutes les danseuses, mais il y a aussi, et surtout, l’envie de l’incarnation. Disparaître dans son personnage, gommer ses traits, ses habitudes, les accents malhabiles d’un corps qui doit devenir l’action et le verbe. Car la musique porte la danse, mais les mots silencieux se tracent sous chaque arabesque, et sur chaque porté. C’est un monde qui palpite puis qui meurt, à chaque scène, à chaque fois. Et Héloïse sait traduire cette palpitation, cette vie que l’on prend, que l’on étreint, et que l’on délaisse enfin. Elle sait. Elle sait dans le plus grand secret de sa solitude enfiévrée, cette même solitude qu’il froisse à demeurer, dans les ombres, sur le seuil. Comme s’il ne pouvait exister, comme s’il ne pouvait pour autant se détourner. Cet entre-deux le tiraille autant qu’il l’agrée. C’est la posture de celui qui façonne puis qui abandonne. Toujours. Oui, toujours.

C’est avec mesure qu’il lui parle, impossible de faire autrement pour quelqu’un comme lui qui semble dévolu à un monde fait de temps et de silences. Le pas échoue bientôt, et ce sursaut qui l’étreint se répercute un instant dans son souffle, alors que vacille et bascule l’onirisme pour mieux se navrer. Il est encore très lointain lorsqu’il réplique aussitôt :
je n’ai pourtant pas pour habitude de peindre l’effroi. du moins pas toujours.
Boutade qui s’étire le long de ses lèvres fines. Il s’avance ensuite, après tout, les ombres le recrachent, il ne peut se dissimuler désormais que ses regards semblent le convoquer. C’est si différent des entrailles mécaniques du poste de police, si différent. Le parquet gémit de sa démarche lente, il décrit une courbe, bien loin de la confronter par l’accent d’une ligne trop droite. Et du coin de l’oeil il cueille l’émoi sur ses joues, qui se peignent de coloris charmants. Il est incapable de savoir s’il en est l’origine. Incapable de savoir à cette minute-là s’il aimerait seulement l’être. Le ton est plus vif, alors qu’il observe le décor de la salle d’entraînement, et les miroirs multiplient leurs silhouettes dans un vertige exquis. Il l’observe par le truchement du reflet avant de balayer l’air de ses doigts de pianiste :
Une notion absconse. La perfection d’un art ne pourrait avoir d’horaire, ce serait cantonner l’émotion à des heures ouvrées. Mais après tout, c’est ce que promet un spectacle, non ?

Son sourire s’éteint cependant lorsqu’elle confesse l’absence de cette musique. Les mesures manquent à son exercice, l’harmonie s’est enfuie par la porte de service. Ses yeux s’aimantent de nouveau, et un pas le destine dans une proximité plus accrue sans qu’elle ne devienne envahissante. Il y a des jeux que l’on doit amorcer dans le respect d’une distance, des hommages que l’on ne distribue que de loin, du moins pour commencer. Auguste se plaît à ne rien répondre mais une lueur fugace trace des paillettes d’or dans ses prunelles amusées. Oui, il sait. Il sait que danser sans secours, c’est comme évoluer dans l’éternité d’une nuit qui finit par vous rendre fou. Mais pourquoi proposer ce qu’elle n’a pas encore l’audace de quémander ? Son sourcil se hausse, il ne cherche pas ses mots, il les retient quelques instants pour mieux ménager ses effets :
hier oui, demain peut-être aussi, mais pas ce soir. j’ai terminé assez tôt pour tout vous dire mais je me suis éternisé. cela m’arrive, il y a des chemins que l’on trouve uniquement par hasard, ou en les imaginant. je le crois sincèrement.
L’énigme vibre, c’est l’un de ses passe-temps favoris, ces mots en demi-teinte qui ne font que sous-entendre, et laissent à l’autre le soin d’entremêler un sens qui ne peut naître qu’à deux. Il la regarde longuement cette fois, avant d’interroger l’espace qui les enserre pour mieux qu’ils rejouent une rencontre qui fut accidentelle. De ces chemins tracés qui n’avaient pourtant ni le but ni la nécessité de se croiser. Le sérieux revient forger ses traits qui deviennent plus acérés.
danser jusqu’à mourir, et continuer encore après cela... une fable ironique, ce me semble. jamais dans la lumière, jamais totalement dans l’ombre. quel sera le chemin, alors ?
Ironie délectable pour une jeune danseuse qui ne peut que rêver évoluer jusqu’aux feux indécents de la scène, et se garder des morsures de l’anonymat.
Héloïse Lombard

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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Jeu 5 Nov - 21:32


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@auguste dubreuil & héloïse lombard

La présence du pianiste était l’occasion pour la ballerine de s’offrir un interlude ressourçant. La fraîcheur de l’eau avait calmé la température fiévreuse de son corps. Hydratant ses membres, revigorant son esprit troublé par l’effort. Héloïse ignorait encore que des pirouettes d’un tout autre genre l’attendaient ; car elle fut bien vite confrontée aux répliques tourbillonnantes de sens du talentueux musicien. Étrangement, elles avaient pour effet d’illuminer le visage de la jeune femme, alors piquée par une curiosité certaine. Auguste jouait avec les mots comme avec les notes de ses livrets. « Il est vrai. Le spectacle est une sorte de vision chimérique. Il perdrait toute sa féérie si le rideau ne se refermait jamais sur lui chaque soir. La passion de créer ce rêve, elle, n’a jamais d’horaire… mais je prêche sûrement là un convaincu. » confia la rouquine tandis qu’un angélique sourire se dessinait sur ses lèvres. Évidence pour un pianiste de son envergure. Héloïse se remémorait ces répétitions vibrantes au cours desquelles son regard s’était souvent attardé sur Auguste, littéralement fusionné à son instrument. Ses doigts semblaient caresser fébrilement les touches d’un piano qui leur faisaient si mélodieusement écho. Il n’était pas au centre de l’attention et pourtant, toujours il s’évertuait à jouer comme s’il s’agissait de l’ultime prestation d’une vie. Jamais Héloïse n’avait retrouvé une telle exaltation chez les musiciens qui avaient accompagné ses pas de danse. L’admiration ne pouvait donc qu’être au rendez-vous pour celle que la passion transcendait avec une égale et rare vivacité.

Interrogé sur les raisons de son errance tardive, Auguste semblait se délecter malicieusement de l’attente de la ballerine. Vide insolite qu’il finit par combler à l’aide d’une nébuleuse tirade devant laquelle Héloïse butait sans rien laisser transparaitre. Soit ce dernier était doté d’une mémoire très limitée, soit son alambiqué discours n’était qu’un moyen pour lui de mettre à l’épreuve sa douce interlocutrice. À lire au fond de ses billes fourmillant d’espièglerie, la jeune femme optait instinctivement pour la deuxième option. En tout cas, contradiction flagrante de la part du musicien et à laquelle la rouquine réagit en arquant à son tour un sourcil. « Oh. Je suppose que c’est également le hasard ou l’imagination qui vous a poussé à croire que je m’entraînais toujours à cette heure-ci dans ce silence pesant. Vous devriez envisager de jouer à la loterie. » conclut la ballerine, l’œil railleur. Décodant alors un mystérieux langage qu’elle commençait à peine à apprivoiser. Connivence des esprits et des sourires qui se diffusait au travers du pan de miroirs.

La référence au ballet du haut de l’affiche n'échappa pas au pianiste. Surprenante révélation pour celui qu’elle imaginait complètement désintéressé de danse. « Giselle ne cesse jamais vraiment d’être dans la lumière. Quand bien même l’heure sonne pour elle de rejoindre son tombeau, elle continue d’étinceler à travers l’élu de son cœur. C’est l’amour qui persiste à la faire briller. » Attendrissante insolence qu’elle se risquait à exprimer en guise de désaccord. L’émerveillement crépitait au cœur de ses pupilles émeraude, empreintes d’une naïveté totalement assumée. La parisienne savait s’approprier chaque ballet, chaque histoire. La passion ne transparaissait pas qu’à travers sa sculpturale silhouette ; chacun de ses mots sonnait comme une envoûtante revendication. « Les autres jeunes femmes ne peuvent pas en dire autant. Elles tombent dans les méandres de l’oubli. » ajouta-t-elle d’un ton désabusé en baissant les yeux. Les willis, ces esprits de jeunes filles trahies par leurs fiancés, s’engouffraient dans les ténèbres dès les premiers rayons de soleil. Héloïse, simple coryphée de la troupe, se préparait à endosser le costume de l’une de ces âmes déchues vouées à évoluer dans l’ombre. Cruel mais inévitable passage à franchir pour espérer rejoindre un jour les étoiles.

Triste destin de ces spectres auquel Auguste venait de faire un subtil parallèle avec la carrière de la danseuse. Sa quête d’une renommée salvatrice ne lui avait visiblement pas échappé. Interpellation inattendue pour l’artiste à la chevelure cuivrée, dont les prunelles de jade s’ancrèrent directement dans celles du musicien. « Je ne crois pas aux chemins que l’on trouve par hasard. Nous faisons des choix qui orientent notre destinée. Le mien est fait et je dois le concrétiser. Mais pour cela, encore faut-il marquer le cœur du public de son empreinte, le séduire. C’est pour entrer dans la lumière et y rester que je hante si souvent ces lieux. » affirma-t-elle d’un ton déterminé. Curiosité du virtuose assouvie, Héloïse refit face au miroir. Jambe droite qu’elle leva avec une aisance déconcertante pour venir coucher le creux de sa cheville contre la barre. Courbant son buste du côté du membre suspendu, elle dirigea d'abord son bras longiligne en couronne, jusqu'à disposer ensuite sa main juste au-dessus de son chausson de satin. Accrochant toujours le regard de son interlocuteur à travers le miroir. L’oiseau vaporeux semblait ne jamais vouloir ponctuer sa coquette parade. Chacun de ses mouvements dénotait de son ambition sans faille. La jambe gauche subit le même étirement, comme une chorégraphie mécaniquement exécutée, le tout dans une infinie douceur. Les muscles ne devaient surtout pas se refroidir ; tant de prouesses restaient encore à accomplir ce soir. Délicatement, le corps de la ballerine reprit sa position initiale. Les deux pieds à terre, Héloïse fit volte-face pour affronter Auguste, les mains agrippées à la barre. Une question la taraudait à son sujet, mais elle laissa volontairement planer le suspense en le défiant du regard, paupières plissées, moue énigmatique affichée. « Comment êtes-vous parvenu à entrer dans la lumière, monsieur Dubreuil ? » osa-t-elle enfin demander. Elle n’aurait pas pu trouver meilleur interlocuteur que le célèbre pianiste, au sommet de son art.


Dernière édition par Héloïse Lombard le Dim 15 Nov - 11:43, édité 2 fois
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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Lun 9 Nov - 15:42

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@héloïse lombard & auguste dubreuil


C’est à son tour de se retrouver happée par les mots. Leur musicalité danse de nouveau dans cet espace qui, malgré ses proportions altières, revêt des atours d’alcôves. Leurs échanges s’y tissent avec une facilité déconcertante, comme s’ils avaient toujours dû s’élever en ces lieux, comme s’ils y attendaient les hommages que l’on se plaisait à refuser jusqu’alors. La curiosité donne des accents à sa voix et des ombres à son charmant minois. Il y interroge autant ses hésitations que ses révélations, boit les mots pour mieux se les approprier. La première réplique lui vaut un sourire entendu, et quelques mots qui s’égrainent pour la conforter dans ce qu’elle avance :
Une conviction conjuguée est toujours préférable à une conviction solitaire. Je savais bien que vous étiez de cette étoffe-là.
Passionnée, habitée par l’envie de création et manipulée par elle. Ce mélange aussi entêtant que trompeur, qui permet de parcourir les jours sans jamais se lasser de leur ironie, dissimulée dans les moments de doute. S’ils se sont reconnus par le plus pur des hasards, puis retrouvés par l’entremise de la scène, il faut bien qu’il y ait un sens à cette passion partagée, et que jamais elle ne soit entachée par le mensonge ou pire encore, cette habileté à prétendre qu’ont certains artistes qui confondent passion avec intérêt. Mais Héloïse n’a que cet intérêt que lui dicte l’accent de sa carrière, cette pente que l’on gravit uniquement pour la grâce qui fait qu’au sommet, il n’y a plus que l’envol. Et s’il le pouvait seulement, sans doute qu’Auguste saurait s’envoler avec elle.

Lorsqu’elle se met à jouer avec lui, s’amusant de ses déclarations détournées pour en distiller toutes les incertitudes, son sourire s’amenuise et le sérieux qu’il parvient à arborer avec une élégance notable retombe sur ses épaules. Il est désormais à portée, mais il demeure loin, car tout pourrait se dénouer ici et maintenant. Tout pourrait rompre aussi, s’il la voyait ne pas se fasciner à l’idée même de se perdre dans les ombres qui l’habitent, et qu’il ne peut qu’illuminer au moyen de ces êtres qu’il porte jusqu’aux nues enflammées. Son timbre vibre d’autre chose que de cet amusement si notable lorsqu’il lui avoue :
J’ai imaginé bien des choses en ce qui vous concerne. Une pause qu’il aménage autant pour lui que pour elle : Ne s’agissait-il pas de chance ou de pari jusqu’alors ? Le pari sur sa vie, son avenir aussi, en refusant de la donner, de la balancer à la loi d’un Empire qu’en tant qu’artistes ils ne peuvent totalement admettre l’un et l’autre. Il y a dans l’onirisme une part d’absolu avec laquelle la loi ne peut transiger. Son sourcil se hausse, avant que la conversation ne revienne à des terrains moins dangereux. S’il affectionne les ballets, c’est avant tout pour leur proximité avec les opéras, car la musique se fond autant dans la danse que dans la voix, même si l’accord est sans doute moins entier que lorsqu’il s’élance sur cet ensemble parfait.

Auguste se délecte un moment de l’image naïve qu’elle trace, loin d’être déformée par le cynisme dont il a pu faire preuve. Il ne la contredit pas toutefois, peut-être parce qu’il peut aisément croire à ce qu’un esprit comme le sien peut imaginer, sans être pour autant habité par la même candeur. Ou plutôt par cette candeur qu’il combat depuis que les avenirs s’assombrissent, la muse perd le souffle, l’image d’éternité qu’il lui a donnée se corrompt peu à peu. Il en souffre avec elle, avec une application de plus en plus alarmante. Peindre des rêves pour Sapho devient de plus en plus délicat. Alors il concède doucement :
Peut-être avez-vous raison, peut-être est-ce la clef de l’éternité.
Peut-être que c’est même la seule, mais il ne parvient plus à y croire dernièrement. La mélancolie qui l’éprend vient accompagner la morosité dont elle fait preuve lorsqu’elle achève la naïveté d’un coup de talon. L’oubli lui fait peur, l’oubli la terrorise sans doute. Tout comme lui. Mais sans doute d’une manière fort différente. Il ne dit rien de plus, laisse le constat abaisser les paupières de la danseuse, peignant un portrait parfait de cette déchéance dont elle se défend avec un acharnement certain. Il ne fait que ponctuer ce dont il est persuadé :
Je sais. Je l’ai vu dès le départ.
Dans la nuit, dans l’hérésie de la faute, dans sa façon de s’élancer vers un danger certain, et l’exaltation que l’on ressent juste après le larcin. Oui. Il sait son choix, il le connaît pour l’avoir saisi chez tant d’autres et pour l’avoir instillé aussi. Si la détermination ne l’habitait guère, alors elle ne l’intéresserait tout simplement pas.

Elle reprend l’entraînement, il la laisse passer, demeure à proximité sans gêner aucun de ses mouvements. Regarde sans plus dissimuler l’attention qui transparaît dans ses prunelles. Il y a une curiosité qui vient caresser la sienne, qui suit la courbe du mouvement pour se prolonger, et ne plus jamais échouer. Il laisse le vertige la dessiner dans ce miroir qui lui renvoie autant ses regards que ses ambitions. Auguste demeure, droit, jamais décalé dans cette atmosphère feutrée que la nuit aménage, la fatigue et les quelques contrariété d’une journée le quittent peu à peu alors que la pause atermoie bientôt avec de nouveaux questionnements. Auguste ne joue plus lorsqu’il lui répond, alors qu’un geste trace pour lui cette évidence qu’il tait pourtant avec beaucoup de personnes qu’il côtoie :
Comment ? En faisant en sorte de ne jamais y entrer vraiment. La lumière des autres m’atteint mais je n’y demeure que quelques instants. Mon rôle c’est de forger celles et ceux qui aspirent à sortir de l’ombre, si j’en retire parfois quelques moments de fierté, ils sont de très courte durée. Je ne fais que tracer le chemin, je ne l’emprunte pas jusqu’au bout.
La lumière, il ne fait que la traverser, il est répétiteur avant d’être musicien, maître dissimulé avant d’être sujet de l’émerveillement. Tout comme les mots qu’il couche sur le papier sans jamais les publier, il ne joue que pour porter ceux qui s’accomplissent via ses enseignements. Il la regarde très fixement quand il ajoute :
La vraie question, c’est : suis-je celui qui doit vous accompagner de l’ombre à la lumière ?

Héloïse Lombard

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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Mer 11 Nov - 14:21


les feux de l’ambition
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Auguste semblait convaincu du talent hors norme de sa rencontre nocturne. Assurant avoir deviné très tôt son ambition sans borne. Charmée par tant d’éloges, Héloïse tenta vainement de camoufler ce sourire malicieux qui venait flatter ses traits de poupée. Compliment troublant de la part du pianiste et qu’elle n’avait pas pour habitude de recevoir. Seules les étoiles attiraient l'attention. Les yeux de l’assistance étaient toujours rivés sur elles, poursuivies sur scène par les halos de lumière. Le corps de ballet ne faisait que les accompagner, soulignant leur chorégraphie, comme incrusté dans le décor. Sombre position, cruelle exposition pour celle qui aspirait à être couronnée reine du ballet, sous les applaudissements fournis du public ainsi qu'une pluie de roses. « Qu’avez-vous imaginé ? » interrogea-t-elle de ses grands yeux de biche curieux. Héloïse tombait des nues. Jamais elle n’aurait pu s’attendre à un tel aveu. Auguste tramait silencieusement des projets fleurissants concernant l’avenir professionnel de la parisienne.

Les paroles du musicien résonnaient harmonieusement, comme une poésie affriolante aux oreilles de la ballerine. Si Auguste n’était finalement jamais sous le feu des projecteurs, il avait le privilège de briller sur scène au travers des performances de ses élèves. La jeune femme ne pouvait qu’être admirative face à un tel éclat. Il était la preuve vivante qu’une ardente détermination finit toujours par porter ses fruits. Espoir ambulant qu’elle côtoyait avec plaisir, terrée dans son obscure solitude.

Offre alléchante qu’il finit par lui suggérer sur un plateau d’argent. Promesse délicieuse à la fibre empoisonnée. Un homme de sa stature était-il seulement capable d’enchérir de manière désintéressée ? La tentation était grande de céder à la proposition les yeux fermés, de saisir cette chance phénoménale, cette occasion rêvée. Tremplin doré qu’était le talent d’Auguste pour ses précieux entrainements. Les pupilles émeraude de la danseuse s’égarèrent en direction du piano trônant à quelques mètres d’eux, recouvert d’un tissu de velours. Notes envoûtantes de l’instrument qu’elle pouvait déjà entendre vibrer au rythme de sa grâce féline, et qui parcouraient son épiderme de frissons d’émotion. Saisie par un élan de raison soudain, la ballerine répliqua. « J’en serais honorée, mais… n’avez-vous pas assez fait pour moi ? » La méfiance était suspendue à ses lippes rosées face à l’entêtement douteux d’Auguste pour l’étincellement d’une carrière. Sa carrière. Sujet qu’il savait aussi sacré que sensible aux yeux de l’artiste à la chevelure flamboyante et qu’il manipulait très adroitement. Héloïse dévisageait son interlocuteur en agrippant son regard inquisiteur, cherchant à intercepter un signe qui la conforterait à décliner son initiative. La danseuse devait se faire violence pour appuyer son empreinte oculaire. Surtout ne pas dévier, malgré l’intimidante prestance d’Auguste qui s’était approprié la cadence de leurs échanges. À son profond regret, il ne laissait absolument rien paraitre ; gardant son petit jeu bien secret. Le musicien de marbre lui promettait monts et merveilles, jusqu’à lui faire miroiter l’idée d’un transport jusqu’à la luminescence de la voie lactée. Comment pouvait-elle résister ? Elle que l’appétit féroce de l’artiste pour le travail épatait, et dont la dextérité incroyable savait la captiver. « Monsieur, il y a des circonstances où il vaut mieux rester dans l’ombre… vous le savez. Vous avez tout fait pour que la vérité n'éclate pas à mon sujet et je vous en suis infiniment reconnaissante. Sans vous, je serais probablement derrière les barreaux à l’heure qu’il est. Vous m’avez maintenue dans l’ombre pour m’épargner un funeste avenir, je n’en connais d’ailleurs pas la raison, toujours est-il que j’ai le sentiment d’avoir une dette considérable à votre égard. » Discours qui perça violemment le mystère teintant leur conversation, ressassant alors le film d’une entrevue fortuite au cours de laquelle la part d’ombre de la danseuse avait été malencontreusement démasquée. Trahie par sa chevelure aux reflets cuivrés, et cette démarche gracieusement agile, semblable à celle des fauves. Auguste avait pourtant choisi de taire les noirceurs de son âme pour qu’elle puisse seulement en dévoiler la lumière. N’ayons pas peur des mots, le pianiste l’avait sauvée des griffes d’une justice implacable. Aujourd’hui encore, un flux d’interrogations assaillait l’esprit de la douce ballerine. Manœuvre étrange et périlleuse de la part du musicien qui n’avait absolument rien à gagner à la préserver de poursuites judiciaires. L’homme avait plutôt dangereusement risqué sa peau, le faux témoignage étant sévèrement réprimandé par la loi de l’Empire. « Si j’accepte votre proposition, je crains de ne jamais pouvoir vous offrir la récompense que vous méritez en retour… » Elle était libre, grâce à lui. Ce n’était pas pour se retrouver condamnée à lui devoir éternellement. Héloïse tenait à cette liberté, elle la chérissait comme la prunelle de ses yeux.


Dernière édition par Héloïse Lombard le Dim 15 Nov - 11:42, édité 1 fois
Auguste Dubreuil

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Activité : Pianiste-répétiteur, dans le secret de la demeure familiale, métier d’exactitude qui lui sied aujourd’hui parfaitement et depuis peu voix de l'Empire.
En société : Les ornières où l’on finit sont des entraves à une existence qu’il souhaite encore imaginer libre dans le plus grand des secrets de ses esprits, alors les allégeances sont parfois floues.
Besace : Un carnet relié de maroquin rouge, avec les initiales a. e. d. estampées, un diapason, les derniers livrets des opéras à la mode, des partitions annotées et froissées, des absolus et des rêveries discontinus.

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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Sam 14 Nov - 20:46

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Alors que les ombres continuent de jouer sur les traits de son visage, et que les lueurs vacillantes apprivoisent un tout autre langage dans l’espace qui est devenu leur arène, Auguste se demande à son tour ce qu’il recherche vraiment. Les compliments franchissent rarement la barrière de ses lèvres, en présence de ses élèves, l’exigence est de mise, elle est aussi harassante que celle qu’il a vécue étant enfant, puis lorsqu’il s’est agi d’entrer avec violence dans l’âge adulte. Le poids du deuil, et aussi de l’infamie dont il avait frappé son propre nom se glisse parfois tout contre sa nuque pour ployer ses épaules et ses rêves. Encore aujourd’hui. Une honte qu’il n’évoque jamais et qui pourtant continue de le manipuler à travers les âges, pour mieux dessiner ses gestes mesurés et ses inspirations troublées. Il y a dans les actes que l’on aimerait désavouer autant d’inspiration si ce n’est plus que dans ces élans faciles que l'on hérite de la fierté. Alors il est vrai que la flatterie n’est jamais de ces armes qu’il utilise, certainement pas dans l’exercice de son métier où chaque âme façonnée se doit de frôler cette perfection qu’il aimerait faire sienne à chaque instant de ses journées. Cette même exigence qu’il a reconnue dans les inflexions de son corps, dans celles de son souffle. Même dans la courbe de ses mots. Même lorsque les ténèbres dessinaient toute leur disgrâce sur elle, tandis que la lumière lui était volée, par la meneuse de la formation, l’étoile qui se devait de toujours se hisser jusqu’à frôler les nues. Mais il est de ces êtres qui préfèrent saisir au vif et dans le plus grand des secrets les émotions impitoyables que l’on se permet à l’ombre des autres. Ces émotions qui la trahissent ce soir avec la même ferveur, tandis qu’elles défilent sur son minois, que la surprise ou encore la fierté se disputent ses expressions. Quand elle interroge ses imaginaires, il a un air des plus sibyllins, qui demeure bien en place alors qu’il lui répond. A demi-mots toujours, pour mieux faire transiter entre eux autant de ce mystère que ces précautions nécessaires à ceux qui aspirent à se dévoiler avec lenteur :
Vos motivations surtout. Que faisiez-vous là, dans la nuit, à poursuivre quelque larcin ? Était-ce l’appât du gain, ou encore la condition nécessaire à une vie parisienne dispendieuse. Ou simplement, cette motivation que tout le monde dans cette capitale se plaît toujours et encore à ignorer : le besoin de ressentir quelque chose, rien que quelque chose, à l’abri des yeux indiscrets. Comme lorsque vous êtes sur scène et que vous croyez que personne ne vous remarque.
Je vous ai remarquée. Cette nuit-là, et d’autres soirs depuis. C’est ce qu’il veut lui faire comprendre, et à la fois ce qu’il ne parvient pas à totalement lui formuler, tant cet élan qui a trait à la passion lui apparaît incongru dans son existence. Car il ne l’a plus vécu depuis des années, lorsqu’il s’agissait de poursuivre d’impossibles envies dans le sillage de son oncle.

La main tendue, geste aussi irrévérencieux qu’inattendu dans pareille circonstance. Il le sait bien, il ne devrait pas tenter de s’associer à elle sous l’inflexion de ce qui pourrait paraître une lubie. Ephémère tromperie… Et pourtant, alors qu’il le lui propose, rien ne pourrait être plus parfait qu’à cet instant-là. La question est purement rhétorique, Auguste sait être celui qui pourrait la mener dans cette lumière à laquelle elle aspire, qu’elle mérite. Il l’a fait pour d’autres avant elle, mais les circonstances étaient différentes. Tandis que le silence retombe sur l’indécence d’une proposition balancée entre eux comme s’il s’agissait-là d’une évidence, la danseuse se rétracte, cherche déjà à échapper à une emprise qu’il ne mesure pas encore, qu’il avait peine à se représenter avant même qu’elle ne paraisse se méfier. L’expression d’abord avenante du musicien redevient extrêmement sérieuse, voire abîmée par quelques réflexions qui se heurtent à sa spontanéité. Il fait quelques pas en direction de l’instrument qui pourrait les lier, les lier plus encore qu’ils ne le sont déjà, frôle de la main le velours qui flatte les lignes du piano. Il cherche un contact rassurant quand le toucher lui paraît rêche, comme lorsque l’on s’arrête devant quelques faux semblants. Est-ce là, ce que pourrait maquiller pareille alliance ? Cherche-t-il à dérober au hasard une destinée qui ne lui appartient pas. Qui ne devrait pas lui appartenir ? Il s’appuie, revient à elle par le truchement d’une oeillade à la fois plus sombre, mais également plus brûlante. Les questions y gisent, les réponses s’y déchirent. Il aurait envie de lui dire que ça n’est jamais assez. Jamais assez pour parvenir. Mais il se tait. Il se tait et la laisse déployer tous ces arguments qui se débattent déjà dans sa tête. Il prend le temps de la mesure, mais ne parvient plus à se l’approprier, et s’il s’est appuyé pour garder un calme apparent, il ne demeure pas en place bien longtemps, ses longues enjambées reprennent, tandis qu’il réfléchit avant de lui répondre. Sans douceur, sans vraiment de préparation cette fois-ci. La passion transparaît, il ne prend même pas la peine de la maquiller, il la croit parfaitement inoffensive.

Je ne puis vous donner tort, mademoiselle, dans ces précautions qui vous étreignent. Le hasard m’a plongé dans ce voyeurisme auquel je n’aspirais guère, et si mon premier instinct fut envers mon devoir, je me suis refusé, comme vous l’avez dit, à condamner une action dont je ne connaissais pas la cause mais dont je devinais fort bien les effets. Votre maintien, votre façon de paraître, votre port de tête, tout m’inclinait à croire que vous n’étiez pas de ces âmes perdues qui se destinent au néant, non. Vous aspiriez à autre chose, à quelque chose de plus grand. Et croyez-le ou non, c’est cette aspiration qui me fit alors renoncer. La galanterie sans doute, également, bien sûr, mais n’allons pas nous arrêter à si commun détail, voulez-vous ?
Il balaye rapidement cette éducation bourgeoise et surtout artistique, qui l’a empreint de sentiments et de sensations qui firent de lui quelqu’un de raffiné et non pas l’un de ces rustres qui pourraient sans frémir balancer une femme à la brutalité d’une justice qu’elle ne semble pas véritablement mériter. Elan désuet et chevaleresque qui le fait rouler des yeux excédés tandis qu’il le condamne presque. Il se passe une main nerveuse dans les cheveux, c’est dans son verbe toute la fureur de ces emportements dès lors qu’ils se voient dictés par une cause qu’il se sent incapable de tromper.
C’est cette même éducation qui me fera taire cette dette que vous esquissez et que, sachez-le bien, je ne souhaitais guère vous rappeler. La liberté est chose fragile, vous devez le savoir, aussi illusoire qu’ironique lorsque les liens se rappellent à nous. Nous devons toujours quelque chose à quelqu’un, il est rare de se faire tout seul, mais qui a dit qu’il faudrait rendre quoique ce soit en retour ? Pygmalion ne dessine-t-il pas la liberté de Galatée ?
Du marbre à la chair. Du néant à la vie. Il trace un geste, laisse choir cette évidence face à ces dettes que l’on ne peut rembourser, et qui font de nos débiteurs ces alliés qui nous aident finalement à parvenir. A exister.
Je n’attendais rien de vous alors, je n’attends toujours rien aujourd’hui. Uniquement… cette alliance. Un projet qui fasse que pour une fois je me laisse libre de choisir qui je supporte, car vous ne serez ni mon élève, ni mon obligée. Vous disiez tout à l’heure ne pas croire au hasard, alors laissez-moi donc poursuivre ce choix que j’ai jadis esquissé, qu’il y ait un sens derrière ce geste que nous ne nous expliquons pas véritablement.

Il s’arrête après cela, la rejoint d’un regard presque fiévreux tant les émotions qui le parcourent sont aussi irrépressibles qu’inattendues. L’austérité de son existence se voit soudain bousculée par une force qu’il ne souhaite guère combattre plus avant tant il lui apparaît nécessaire d’y céder. La vérité c’est que son esprit se confronte à une mélancolie grandissante et à cet ennui qui infecte toutes ses idées, et toutes ses envies. Que son domaine lui apparaît être un tombeau plus froid et plus austère chaque jour qui passe, et qu’il découvre son père affaibli par la vieillesse et par ce deuil qui les accablent l’un et l’autre. Auguste pour s’en croire responsable, son père pour ne l’avoir jamais pardonné. Alors l’incongruité de leur rencontre dessine d’autres imaginaires, ceux qu’ils pourraient aménager à loisirs, afin que le silence qui semble les condamner, elle et lui, lui et elle, puisse enfin se voir repoussé par la musique et leurs arts entrelacés.

Héloïse Lombard

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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Dim 15 Nov - 15:57


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Auguste n’avait fait que rouvrir la plaie qu’Héloïse s’était donné un mal fou à panser, perçant à jour la vérité, sa vérité. Celle si morne et amère qu’elle s’était pourtant toujours jurée de taire. Désolation profondément enfouie derrière ses sourires enchanteurs, ses costumes de tulle féériques et leurs tiares chatoyantes. Le pianiste avait appuyé à l’endroit même où la douleur de la poupée était la plus vive. Héloïse s’était mutée dans un silence qui trahissait l’évidence de propos bouleversants. En quelques regards, fussent-ils soutenus, il avait su déceler ses tempêtes intérieures, ses convoitises les plus confidentielles. L’artiste à la crinière cuprique peinait à soutenir les œillades marquées de son interlocuteur perspicace. Regard qui se redressa, brillant et éveillé, alors qu’il reconnaissait à demi-mots qu’il l’avait repérée. Lueur d’espoir qui étincela dans ses prunelles de jade, et cajolait ses prodigieuses ambitions. « Pardonnez mon impertinence. Vous lisez en moi comme dans un livre ouvert, c’en est… troublant. » avoua la danseuse en esquissant un mince sourire, embarrassée face à flagrant reflet d’elle-même qu’il avait admirablement su peindre au travers de ses mots tous aussi poignants les uns que les autres. La vérité, incapable de se résigner à demeurer dans l’ombre, finissait inévitablement par éclater au grand jour. Aucun mensonge ne pourrait la sauver. Une fois de plus, le virtuose l’avait démasquée, et totalement désarmée. Au pied du mur, la belle n’avait d’autre recours que de lui livrer le reste de ses secrets. « Le besoin de mettre du beurre dans les épinards, comme on dit… J’ai beau faire partie de l’une des plus prestigieuses entreprises du pays, mon échelon ne me permet pas toujours de joindre les deux bouts. » admis-t-elle en plantant ses pupilles dans celles de la prestance incarnée. Son expression presque cérémonieuse semblait faillir tandis que la ballerine commençait à lui concéder d’intimes confidences. L’attrait pour le nerf de la guerre n’était évidemment pas l’unique motivation de ses périlleuses escapades. La ballerine laissa alors s’installer un silence qui ne faisait que présager l’approche d’un contrecoup fracassant. « Plus encore, j’ai ce besoin viscéral de me sentir exister, portée par les vibrations de la passion. Je me sens si… insignifiante dans ce monde, sur cette scène... » Pupilles humides qui s’élevèrent au plafond doré afin que les larmes ne se déversent pas lamentablement le long de ses joues échauffées. Une avalanche d’émotions la submergeait dangereusement, malmenant ce palpitant qui se mit à cogner de plus belle dans sa poitrine. Héloïse se refusait pourtant à dévoiler ses sentiments, signes d’une faiblesse manifeste. La jeune femme n’avait pas le droit de sangloter, pas elle. Pas dans ce décor somptueux qui symbolisait à lui seul les prémices de sa gloire.

Ses paupières se fermèrent un court instant, le temps pour elle de se ressaisir tout en s’efforçant de ne pas céder à ses implacables tourments. Tête inclinée vers le sol, la ballerine n’osait plus affronter le regard inflexible d’Auguste rivé sur elle, trop effrayée à l’idée qu’il ne lise toute la complexité du mal qui la rongeait ; mais c'était sans doute trop tard. Le pianiste avait déjà débusqué les plus grands mystères de son âme torturée. « Vous devez penser que je ne suis qu’une petite fille pourrie gâtée et égoïste, incapable de comprendre la chance qu’elle a d’être aux portes de son rêve. Et vous avez sûrement raison, il y a bien plus malheureuse que moi dans cette ville. Je ne devrais pas me plaindre. » Ses traits fins s’assombrirent alors qu’elle secouait doucement la tête, réalisant subitement toute l’aberration de son discours. Le regret la taraudait déjà, mais la fatigue d’une journée prolongée de travail ne jouait malheureusement pas en sa faveur ; les mots se déliaient aisément sous l’influence d’émois à l’intensité décuplée.

Rares avaient été ses occasions de pouvoir librement se confier sur ce sujet. Aussi étonnant que cela pouvait paraitre, Auguste lui inspirait la confiance apaisante qu’elle recherchait dans son palais désertique. Il lui avait démontré qu’elle n’avait pas besoin de parler pour qu’il parvienne à la comprendre. Oreille avisée et attentive à laquelle la rouquine se livrait à présent sans aucune retenue. Tirade qu’elle s’évertua à poursuivre alors que ses prunelles opalescentes feignaient de scruter le parquet, perdues dans un vide intersidéral. « Le fait est que je suis frustrée et lassée de n’être qu’une ombre parmi les ombres… toucher du bout des doigts la voie lactée sans jamais parvenir à l’atteindre complètement. Du fin fond des coulisses, entendre les applaudissements qui pleuvent inlassablement sur les étoiles, sans jamais avoir cette sensation qu’ils vous sont bien destinés, que vous les méritez… vous n’imaginez pas à quel point cela est… navrant, et même décourageant parfois. » Un long soupir de désespoir traversa sa poitrine, tel une pénible ponctuation. Le découragement, sans doute le mot de trop qui s’était échappé de ses lippes frémissantes. Insoutenable sentiment qui, elle le savait, n’était pas entendable pour un maitre comme lui. Pas aussi près du but. Héloïse n’était pas son élève, mais les billes sombres du musicien l’accablaient déjà de remontrances.

Auguste renchérit, toujours plus vindicatif voire théâtral dans sa démonstration. Héloïse se surprit d’ailleurs à apprécier son éloquence, et la confiance qu’il savait admirablement inculquer à travers son attitude extraordinairement calme, sécurisante. Assurant ne pas vouloir faire d’elle son disciple, et encore moins sa débitrice, il arguait préférer poursuivre leurs aspirations respectives plutôt qu’une quelconque dette. Ce regard de braise la convoita alors qu’il venait de mettre un point final à son enivrante plaidoirie. L’oiseau de feu prit le temps de l’examiner de ses grands yeux clairs en se mordant la lèvre inférieure. Le pianiste avait-il abattu toutes ses cartes ? Devait-elle le torturer davantage avec ses hésitations pour qu’il lui certifie encore et toujours sa bonne foi ? À bas les doutes, qu’elle balayait sans aucun remord. La flatterie était une arme extrêmement efficace sur Héloïse. Auguste semblait l’avoir pressenti, jouant avec ses émotions comme on manipule les ficelles d’un pantin de bois. Victime d’un argumentaire hypnotisant, l’esprit engourdi par une exténuation certaine à cette heure tardive, la belle céda. « Vous êtes incroyablement convaincant, vous savez ? » Un sourire malicieux étirait ses lèvres, conquise. Échec et mat. Auguste avait gagné la partie haut la main. Elle avait fini par suivre son cœur, cette boussole qui lui indiquait le chemin du bonheur. Heureuse perdante qu’elle était, crevant d’envie de le voir à nouveau à l’œuvre devant cet instrument noir laqué. La rouquine prit une profonde inspiration avant de déclarer : « Je dois m’avouer platement vaincue. La partition est sur le piano… si le cœur vous en dit. » Héloïse désigna l’instrument d’un mouvement de menton en faisant claquer ses ongles sur la barre. L’œuvre du compositeur trônait sur le pupitre, n’attendant que lui, passion dévorante au corps. Surplombant leurs âmes contrariées, le temps avait poursuivi sa course effrénée. Un sursaut de scrupule poussa alors Héloïse à se corriger. « À moins que vous ne souhaitiez rejoindre votre foyer, ce que je comprendrais. Il est déjà tard… je ne voudrais pas que l’on vous attende. » ajouta-t-elle d’une voix timorée. Loin de vouloir faire du talentueux pianiste son obligé, la danseuse freina des quatre fers en découvrant que les aiguilles de l’horloge venaient déjà de sonner vingt-trois heures.
Auguste Dubreuil

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Re: les feux de l'ambition _ héloïse&auguste    Lun 23 Nov - 20:03


les feux de l'ambition

@héloïse lombard & auguste dubreuil


C'est si ténu soudain, ce bouleversement qui la saisit, dans le clair-obscur. Atmosphère et sensations se confondent, le souffle manque, le coeur s'accélère. Il n'y a rien de plus exquis que de parvenir à saisir ces lueurs éphémères, celles qui se dévoilent sans que l'on ait pu seulement le prévoir, ou même l'empêcher. Sur le visage de la belle danseuse, c'est l'émotion brutale, les ombres, les accents, ceux que l'ambition tracent et qui parfois vous menacent. L'on peut devenir monstrueux à les embrasser, mais l'on peut également toucher ce qu'il y a de plus divin dans l'art quand elles ne nous dévorent pas. C'est peut-être cet horrible trépas, qu'il est venu lui éviter ce soir. Alors que le silence dans sa tête menace toutes ses résolutions, il a fallu aller caresser une autre passion pour imaginer la porter plus loin. La conjuguer à la sienne quand il n'y avait plus que du néant parfois. Un tout aussi harassant combat, c'est ce qu'il se dit alors qu'il l'observe, un regard aussi brûlant qu'indécent pour leur milieu, tandis qu'il n'interdit ni les mots ni l'attention qu'il appose sur elle. Il y a toujours une brûlure presque intime à se savoir découvert. Il ajoute alors qu'elle avoue le trouble, qu'il le boit au travers de leurs mots qui s'échangent : cela aussi, je vous le devrai en retour, une autre dette finalement, pour contrebalancer celle que vous croyez tant avoir. Il ne sait s'il pourrait véritablement autoriser un tel dévoilement chez lui, mais peut-être qu'à terme saura-t-elle le voir, le saisir quand il ne s'y attendra pas.

La confidence qu'elle permet, il la recueille avec une sorte de précaution qui lui donne de nouveau des airs de timidité. La savoir démunie au point de s'égarer est quelque chose qui vient caresser de très anciennes douleurs. Il aurait pu s'égarer à son tour sur bien des chemins, s'il avait écouté les appels aphones du deuil. Auguste incline très légèrement la tête. La misère, l'accablement, c'est quelque chose qu'il ne connaît guère mais qu'il peut imaginer aisément. Il laisse le silence apposer son doux traitement plutôt que de relever ce qui pourrait la mettre mal à l'aise. La misère pourrait tout à fait échoir, devenir souvenir. Plus tôt que nous ne le croyons semble-t-il songer alors qu'il caresse le revêtement du piano, comme pour appeler sa bénédiction aux serments qu'ils se portent. Mais s'il croit vaciller sous le poids des confidences, ça n'est rien quand elle lui offre l'émotion invincible qui provient de la rage et de la frustration qui continue de la tenailler. Il peut comprendre cela, peut-être mieux que quiconque tant la passion chez lui se dispute en permanence avec la mesure. Les élans qu'il contrarie sont autant de rêves qu'il ébauche dans sa tête, et sous ses doigts. Le temps d'un morceau, d'un acte qui devient une vie, à falsifier, à porter, à trahir, à aduler. Ephémère éternité.

Ses mots franchissent ses lèvres avant même qu'il ne les pensent réellement. Croyez-moi, vous n'avez strictement rien d'insignifiant sur scène. Rien, Héloïse. Son prénom est presque doux. Une familiarité qu'il se reproche aussitôt l'avoir consentie. La galanterie lui fait tourner quelques peu les yeux le temps qu'elle puisse sécher les larmes qui viennent faire pâlir ses joues. Il lui faut lui aussi fermer les paupières, et s'abîmer dans d'autres ombres pour renoncer à dévorer cette émotion-là. Il est encore trop tôt pour l'effleurer seulement. Il faudra la trouver dans la musique, dans une autre harmonie que celle de la conversation. Il ricane cependant : oh, des gamines pourries et égoïstes j'en ai mon lot depuis des années. on ne pourrait confondre un caprice à l'envie que vous venez de dépeindre. je ne viendrai pas perdre mon temps ici s'il fallait que ce fut une lubie de votre part. Si subjectif malheur, celui des autres n'a jamais su racheter celui qui palpite en notre sein. Jamais.

Alors face à l'émotion qu'elle autorise, les mots démontrant combien elle souhaite concrétiser la rêverie qu'elle n'a pu jusqu'alors concevoir que secrète et solitaire, il s'éprend de la teneur, se laisse emporter par une autre passion. Prêt à la convaincre ce soir, à gagner le droit de la pousser plus haut qu'elle ne puisse imaginer. Sa tirade se solde par un sourire un brin satisfait, de ceux qui répondent clairement à cette question aux allures de constat. Il joue la modestie sans que personne ne puisse y croire : oh... si peu, si peu. je fais de mon mieux dirons-nous. Il débarrasse alors le piano de sa robe de velours, avant même qu'elle ne lui demande si quelque chose ou quelqu'un l'attend. Auguste arrête son geste, le suspend, comme s'il considérait véritablement la question alors que l'engagement qu'ils se promettent est sans doute loin de ce qu'ils peuvent encore présager. Il ne la regarde pas et prend place avant de laisser choir, sans émotion cette fois : personne ne m'attend. C'est un choix qu'il a fait il y a bien longtemps, que celui de la solitude. Mais c'est la première fois qu'il a l'impression que ce constat a des allures de confidence. Il feuillette d'un air sérieux et concentré la partition qui trône là, la déchiffre sans mal mais doit l'imaginer autrement. Jouer au piano un air de ballet pour orchestre n'est pas totalement prévu par les portées qui s'enchaînent. Il laisse tomber, sans précaution aucune, en miroir de ce détail personnel qu'elle lui a arraché : vous nous plus je présume ? personne que vous ne devriez rejoindre ?

C'est ici que cela bascule. Sans le savoir vraiment. Alors que son regard sombre vient se poser sur elle, par dessus son épaule. Comme si leur damnation ne pouvait s'imaginer sans que personne ne puisse venir la déranger, la troubler, ou même l'empêcher.

La musique s'élève bientôt, d'abord sans relief, méthodique, parce qu'il lui faut s'approprier l'oeuvre. Bientôt beaucoup plus déliée, dès lors qu'il n'a plus totalement le besoin de regarder comment l'ensemble s'agence. Il reconnaît le livret, il l'a déjà entendu une fois, chez la mégère aristocrate qui ne jure plus que par lui pour sa gamine insupportable. Bref. Il range la mégère aristocrate dans un coin de sa tête, stoppe, reprend. Ajoute quelques commentaires au fur et à mesure de son appropriation. C'est un terrain à défricher, à conquérir. Sous ses doigts, sans doute qu'il y a ce qui tient du réarrangement. Ce qui outre les compositeurs en général, mais il n'a que dix doigts, et un seul instrument pour faire bruisser l'harmonie tout autour d'eux. Il ajoute enfin : je crois que nous pouvons y aller. je vais tenter de suivre vos pas au départ, puis c'est vous qui me suivrez jusqu'à ce que l'ensemble ait un peu de sens. une heure pour prendre nos marques. Avant que la nuit ne se referme sur nous. Et les rêves ébauchés.
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