is there loyalty between outlaw ? (pv Alceste)

Dissimulés par le voile de la nuitée parisienne, les fidèles de Babylone se mouvent silencieusement sur le pavé des rues. Tous cachent sous leur cape des objets jugés dissidents par la nouvelle société, aussi rares que précieux aux yeux des croyants et pourtant sur le point d’être abandonnés dans l’espoir d’être finalement entendu par cet empire laïque, qui confondait progrès avec répression. Deux doigts sous sa cape pour la maintenir sur sa figure, Sofie relève les yeux vers le ciel de smog. Elle aimait observer le ciel étoilé pendant son enfance, allongée sur l’herbe fraîche de la forêt, à inventer le nom des étoiles, des constellations et des histoires les unissant. Depuis sa venue dans la capitale, la sombre couche obstruant les sommets de la ville empêchait le soleil de ne serait-ce lui effleurer les joues et dissimule davantage la couverture lunaire englobant le ciel. Un air nostalgique traverse un instant sa pâle figure puis elle garde la tête basse le reste du trajet, faisant profit de sa discrétion, rare talent qu’elle possède.

Cet acte de rébellion masqué sous du vandalisme n’est pas une première pour la jeune femme mais son cœur bat toujours autant la chamade à l’approche de l’inéluctable, les mains devenant soudainement moites, malgré l’habitude qui devrait s’être formée à présent. En retrait, elle laisse ses camarades faire le premier pas, puis imite leurs gestes avec prudence, l’attitude réservée jusqu’au bout. Il est naturel de les accompagner dans leur cause, ne serait-ce que pour les remercier de toute leur aide depuis son arrivée à Notre-Dame. Sans eux, sa vie serait bien plus difficile. Elle est là l’évidence même de leur foi différée : davantage poussée à agir par loyauté que par une conviction envers les raisons derrière ces actes.

Rien qui ne tienne le moindre poids face à l’Ordre du Mercure, dont la présence glace sur place le petit groupe. Quelques secondes, ils n’osent respirer qu’à peine, et l’espoir que les soldats de l’Empire s’éloignent se fait et se défait presqu’au même moment. Les pas dans leur direction sont perçus, et un bref regard échange suffit à ce qu’ils comprennent : se disperser et fuir le plus loin possible, ou se cacher hors de leur vue, la cathédrale en destination. Ne pas se faire attraper par eux, tout simplement. Ce n’est pas son premier vandalisme, et ce n’est pas sa première fuite. Les pas presque agiles, elle se mêle aux ombres des bâtiments pour rebrousser chemin, la dissipation de leur groupe dans toutes directions créant une momentanée confusion au sein des défenseurs de l’Impératrice. Le monde extérieur coupé, ignorant ce qu’il se passe dans son dos, Sofie s’éclipse dans les étroites ruelles sillonnant le quartier, l’hésitation des premières fuites disparues. Les autres s’en sortiraient, elle doit le croire puisqu’elle ne peut penser au pire.

Et au détour d’un croisement, une figure apparaît soudain sur son sillage. La brunette recule aussitôt, la terreur naissante alors qu’elle fixe de l’ombre des bâtiments l’homme devant elle. Il l’a nécessairement remarqué, l’inverse est impossible. Elle devrait déjà avoir pris ses jambes à son cou, elle le sait pertinemment, et pourtant… ses jambes semblent faites de coton, tremblantes sous son poids. Puis, elle saisit un meilleur angle de son supposé ennemi, d’une familiarité déconcertante. Elle l’a déjà vu, mais peine à rattacher son visage à un souvenir du passé, peut-être car tant d’années ont passées depuis, pas assez pour qu’elle ne le reconnaisse pas cependant. Encore adolescent dans ses derniers souvenirs de lui, malgré les quelques différences prises avec l’âge, elle parvient à deviner son identité sans un doute. « Alce…ste ? » Un murmure à peine réfléchi, qu’elle regrette en se souvenant de leurs derniers échanges, de leurs rapports soudainement devenus houleux sans qu’elle n’en sache la raison. Au vu de son passif familial, il ne peut pas faire parti de la milice mais… la possibilité qu’il garde le silence ne lui paraît pas immuable. Sofie se tend sensiblement, sur ses gardes, et observe nerveusement les environs.