〉vous pensez que tous les amants ont le sentiment d'inventer quelque chose ?

Florence est née à Toulouse, un jour de printemps. Un jour de mai. Elle a grandi là où le vent souffle toujours à travers les branches des arbres en fleur. Issue de la petite bourgeoisie commerçante, elle a fait la rencontre de son mari par un concours de circonstances qui l'a placé dans le sillage d'un riche aristocrate allemand. Il a vingt ans de plus qu'elle. Un amour fou, qu'elle ne partage pas. Un amour dont elle a dû apprendre à se contenter, pour les siens. Pour sa fortune. Ils ont emménagé à Paris. Florence ne s'y plaît pas. Tout de Toulouse lui manque. Et elle ne respire pas, dans la capitale. Mais il n'est pas là. Il passe son temps en Allemagne, loin d'elle. Et elle vit seule. Elle n'est pas recluse. Car elle est mariée, elle a accès à tous les plaisirs de la haute société. Mais elle s'ennuie. Parce que personne ne s'adresse à une bourgeoise parvenue. Depuis toujours, une malédiction pèse sur les femmes de la famille de Florence. Une nécrose de leurs seins, qui touche une génération sur deux. Florence y a échappé. Sa mère vient d'en périr. Et la jeune femme suffoque à la seule idée de transmettre cette tare à sa progéniture. Ingénieuse, elle redouble de stratagèmes pour ne pas avoir à tomber enceinte. Elle a toujours réussi. Jusqu'à il y a quelques semaines. Florence ne se voit pas devenir mère. Femme enfant, son mari cède à tous ses caprices. Il a trop peur de la perdre. Parce que Florence, c'est une âme vive, indépendante. Chaque semaine est pour elle l'occasion de se découvrir une nouvelle passion. Elle accumule les ébauches de romans d'amour, les partitions inachevées, les boutures mourantes. Florence s'est égarée dans les limbes d'une transition trop brutale entre l'adolescence et l'âge adulte. Elle se montre parfois insolente, elle se lasse vite et ne supporte pas qu'on tente d'avoir de l'ascendant sur elle. Ses femmes de compagnie changent de visage tous les trimestres. Florence rêve d'amour, de sincérité. Parce qu'à Toulouse, c'est tout ce qu'elle a connu. La beauté, la pureté. A Paris, tout n'est pour elle que désordre, vacuité. Paris est sordide. Sœur d'un homme de science, Florence s'intéresse au vif argent. Mais elle connaît la nature. Et elle doute que le mercure, soit en capacité de guérir tous les maux. Ses maux.

Florence ne supporte pas qu'on la peigne. Encore moins qu'on la photographie. A chaque fois, elle s'imagine qu'un morceau de son âme disparaît loin d'elle et ça la terrifie · Depuis toujours, Florence est très sensible aux odeurs. Son père est parfumeur et, comme ses frères, elle a très certainement hérité du nez de leur géniteur. Mais il n'a jamais été question pour elle de reprendre le commerce familial, malgré ses espoirs d'enfance · Si elle passe beaucoup de temps à prendre soin de ses plantes, seule passion qu'elle garde précieusement depuis les premières années de son adolescence, Florence craint la faune comme personne. Chez elle, il n'a jamais été question de chiens ou de chats de compagnie. Elle n'a jamais fait d'équitation, au désespoir de son époux et n'éprouve aucune envie de se rendre à Vincennes, à les femmes bien élevées, et surtout, bien mariées, se pressent cependant pour observer d'exotiques bêtes qui n'attirent en rien la toulousaine · Florence ne se soucie que peu du statut social de ses fréquentations. D'abord, parce qu'à Paris, on la méprise. Aussi, parce qu'à Toulouse, elle n'était pas une petite princesse allemande, parce qu'elle avait peu et savait s'en contenter. Ses parents n'ont pas fait d'elle une jeune femme hautaine et Florence est bien trop curieuse pour s'arrêter aux frontières sociales d'un monde qu'elle n'a pas fini d'explorer · La mort de sa mère l'a bouleversée. Florence n'en était pas particulièrement proche et elle savait que ce moment arriverait. Mais elle n'était pas complètement prête à accepter le deuil, l'absence. Elle était loin. Elle n'a pas pu lui dire adieu. (...) · D'Olympe, Florence n'a rien. Pas qu'elle soit machiste, mais elle n'est pas féministe. Parce qu'elle ne sait tout simplement pas ce que cela signifie, elle a encore un peu de mal à comprendre que toutes les femmes ne soient pas aussi libres qu'elles. Alors elle ne se bat pas, parce qu'elle a déjà fort à faire avec sa propre liberté mais Florence met sur un piédestal ses sœurs, parce qu'elle les hommes l'effraient, la mettent dans un inconfort et dans un trouble qu'elle ne sait pas gérer ·