AUX INNOCENTS LES MAINS PLEINES

chronologie:

mère s'est fatiguée à me donner naissance des heures durant elle a poussé et ses maigres forcent se sont effilochées comme un drap blanc qu'on déchire mais père voulait tellement de cet enfant à naître - de moi - que mère a courbé l'échine et a accepté parce qu'un enfant disaient-ils est ce qu'il y a de plus beau et de plus vivifiant au monde quitte à mettre en péril le reste de sa vie et c'est ce qu'il s'est passé sa santé fragile s'est dégradée un peu plus au point de se confiner elle-même dans notre demeure à carmaux et plus tard de celle de paris elle n'a vu que le smog au loin et les pavés usés en bas de la rue elle ne devait pas sortir et s'est laissée aller à des années d'enfermement pourtant malgré sa cage dorée la maladie l'a rattrapée vingt-cinq ans après le début de la fin mère s'est éteinte emportant avec elle les étoiles qui brillaient dans le regard de son mari et père ô père se retrouve aujourd'hui le nez plongé dans cette quête d'immortalité qui ne le concerne guère plus puisque sa femme celle qui devait jouir de cette vitalité retrouvée est morte avant même un début de quelque chose et le voilà qui continue parce qu'il n'a plus que ça en tête il est devenu un peu fou un peu flou il regarde les étoiles et converse avec elles pour trouver des signes alors que je le regarde attendant qu'elles lui répondent enfin mais en retour il n'y a que le silence des nuits calmes et de la tombe de mère qui se met à dessécher puisque les statuts meurent aussi mais moi je ne veux pas je refuse de mourir face au néant puisque dieu est mort bien avant que la maladie n'emporte mère je ne peux me résoudre à implorer je veux vivre et peu importe que ces prochaines mille vies soient aussi mornes et insatisfaisantes que celle-ci tant que le cœur entre mes côtes continue de battre à la chamade.