de profundis

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de profundis    Mar 21 Juil - 0:24

Les voisins ont commencé à sentir une odeur étrange émaner de la dernière porte au fond du couloir premier étage entrée de gauche.
Au mois de mai, la fragrance était encore faible.
Puis vint le mois de juin, plus âpre, plus chaud.
Enfin, juillet débarqua, et ce fut la pire des odeurs.

Hélène Dupriez était une charmante dame qui logeait paisiblement dans les faubourgs jusqu'au jour de sa mort un lundi matin à huit heures et trente-six minutes, douze secondes.
Elle était âgée de 44 ans.
44 ans, c'est vraiment très vieux à notre époque. C'est même un âge devant lequel les gentlemen abaissent respectueusement leur couvre-chef pour saluer la robustesse de ce corps qui a résisté à l'épreuve du temps et de la rouille.
Les femmes, quant à elles, se rassurent de savoir qu'il est réellement possible d'atteindre le seuil de la quarantaine.

Tout cela, c'était il y a bien longtemps maintenant. De ce temps-là, lorsque Léonce vit la boîte noire descendre dans la fosse, soutenue par les liens épais de quatre hommes, il s'était imaginé à quoi avait bien pu ressembler la vie de Hélène Dupriez dans ce logement de trente mètres au carré. Les femmes, après sa mère, avaient toujours été un sujet déstabilisant et quelque peu complexe dans lequel Léonce ne s'était jamais réellement embourbé. Il y avait déjà la boue après la pluie, c'était assez.

Cinq ans plus tard, Léonce est habité du même regard. L'azur des yeux posé sur la motte de terre que le bout de sa pelle s'est échiné à ordonner correctement dans ce rectangle précis réservé aux Dupriez.
Rien ne dépasse.
Même lorsqu'un pan de robe noire fut visible en dehors de la boîte mortuaire Léonce Camus poussa le quart de vêtement à l'intérieur du couvercle avant de soupirer de satisfaction.
Il fallait que ce soit parfait !
Et cinq ans, cinq ans plus tard, Léonce est toujours en train de vérifier que ce morceau d'étoffe repoussé dans le cercueil lorsqu'il eut onze ans s'y trouve encore.

Ce matin, une fine bruine tombe sur Paris. Si l'on est un peu imaginatif, l'on se dit qu'une pluie d'acide s'écrase sur les pavés sales de la cité. Mais si l'on est un Léonce Camus, on a déjà commencé le tour du cimetière pour vérifier que toutes les sépultures supportent bien l'averse.
Et si l'on est un Léonce Camus, l'on se rappelle de la treizième tombe située à l'entrée des grilles, celle dont le marbre n'a plus jamais été entretenu par la famille, seulement par ceux qui creusent les caveaux.

La treizième tombe, c'est le dortoir de Madame Dupriez.
Elle doit avoir un corps en squelette maintenant.
Mais la robe ! mon dieu, la robe.
Il vérifie que rien ne dépasse.

Pendant un long moment, Léonce demeure ainsi. Droit, silencieux, l'enveloppe charnelle qui se fondra bientôt à la pierre et la fange. Toujours le ciel continue de pleurer sur lui et ses crins châtains, peut-être est-il persuadé qu'en versant son eau à l'infini il finira par chasser cette repentance noire de son tableau de grisaille.
Bonnie Thellier

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Activité : Bijoux aux bouts des doigts, délice des mains, l'œil pointu dans la structure du diamant, confectionner les plus beaux apprêts, amour de l'art et de la matière. Joaillière, Orfèvre
En société : Roturière des bas-fonds, clamant son innocence dans un silence. Activiste de l'ombre, portant à plus haute échelle l'humain que le dédain.
Organisation(s) : Assistante de l'ombre, dans l'Orme, elle voue entière espoir et confiance.
Besace : Quelques opales, des tiges d'argents, un paquet de gitanes pour abîmer un peu plus ses poumons.

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Re: de profundis    Mer 22 Juil - 19:12

De Profundis

C'est toujours le deuil d'un vœu, Le dernier vers d'un poème.
Partir, c'est mourir un peu.
C'est mourir à ce qu'on aime.

- Edmond Haraucourt -

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Pluie battante, dans les mirages d’antan.
Le regard de la dame Bonnet.
Horrifié, les ténèbres parcourant l’échine de la vieille dame. Elle était encore jeune Bonnie, en ce temps-là, elle n’était qu’une gamine de douze ans, les rêves au coeur, dégoulinant d’une jeunesse abattue. Mais chez la dame Bonnet, tout changeait. Elle pouvait venir, que pour un thé, quelques sablés, horloge suspendue pour échapper aux mains paternelles.
Une seconde, juste une.
C’était la première fois, le regard blanc, les pieds gonflés de la voisine. C’était la première fois, qu’elle voyait un de ces corps, un de ceux qui ne bougeraient plus jamais.
Elle n’avait que douze ans, et s’était enfuie en courant.
Image qui resterait gravée, pourtant, elle n’était pas allée jusqu’au bout, de cette contemplation, de ces affres écorchées. Elle n’avait pas eu le courage, que certains ont, d’affronter la mort en face, de la regarder dans le noir des pupilles.

Les joues joufflues s’étaient affinées, la chevelure blonde avait poussé au-delà des épaules. Elle avait grandi, Bonnie. Elle n’était plus cette gamine, aux yeux effrayés, au regard terrifié. Elle était même partie du nid, le courage avait grandi avec elle, la prenant par la main, pour assumer la jeune femme qu’elle était devenue. Adolescente à l’âme d’enfant, aux rêves envahissants, optimisme qui naissait au creux des fossettes de son rire.

Alors, partir vivre chez la dame Bonnet. Passer tous les jours, devant le pas de cette porte, celui d’il y a cinq ans. Celui qui avait laissé une trace dans sa mémoire, souvenir ravageur. À cette époque, elle n’avait eu le courage d’aller à l'enterrement de dame Hélène. Celle qui, parfois, lui adressait un sourire devant sa porte, celle qui donnait l’impression d’avoir tout vécu. Peut-être que maintenant, elle pourrait se rattraper ? Rabibocher sa détresse d’antan, avec ses regrets de maintenant.
Peut-être qu’elle était assez grande, après tout ?

Se rendre là où Paris dort, où même les respirations sont silencieuses, où la terre paraît se soulever à chacune d’entre-elles.  Et tu es-là. Face à Hélène, toujours là, comme tu te dois de le faire.
Comme tu le fais si bien.

Le crachin effleure son visage, Bonnie. Elle paraît douce, ensevelie sous le smog de Paris, aux pas délicats qui ne veulent réveiller les dormeurs. Elle s’approche, et tu es là. De dos, le regard perdu loin d’elle. Feutrée dans un manteau trop grand. Les mèches dégoulinantes, encadrant le minois juvénile.
Tu es-là, et elle aussi. Elle t’en prend le bras, doucement, silencieusement. Comme tu sais si bien le faire. Comme elle aime, te voir faire. C’est de ton mutisme légendaire qu’elle s’empare, qu’elle te vole, sous les yeux gonflés de dame Hélène. Si les fils du temps l’avaient mené à toi, elle avait tout fait pour les tisser à travers les années. Pour préserver la toile de votre analogie.
Les lèvres bougent, mais les syllabes sortent avec peine.

“Tu es-là.”

Et quand, les gouttes s'abattent  sur ses joues, elle appuie sa tête contre ton épaule. Réchauffer les âmes froides qui hantent, les jardins d’hiver. Qui hantent le jardin du Père-Lachaise.
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Re: de profundis    Jeu 23 Juil - 3:33

La pluie qui tombe lui donne des airs sages et mélancoliques, ces larmes artificielles qu'on ajoute à l'ange du tableau, si bien qu'on croirait le voir pleurer la mort de Hélène Dupriez cinq ans après tout le monde.

Des pans de son manteau traînent, amassent la boue éclaboussée par ses semelles.
Un bras sorti de nulle part, on dirait, l'ôte à sa contemplation.

- ... Bonnie.

Sa voix qui a mué. Les tons de l'enfance se sont métamorphosés en pierre qui tombe au fond des lacs.

Bonnie.
Bonnie c'est celle qui n'a pas peur de pousser les grilles d'ici. Bonnie c'est celle qui a compris l'importance du silence. Et surtout, Bonnie, c'est celle qui un jour est venue y apporter le bruit.

Ce matin, ses cheveux blonds, devenus longs, plus longs encore que la fois dernière, lui collent à la peau des joues. Elle ressemble à quelqu'un qui s'est enfui de chez lui et ce détail frappe Léonce.

- Tu es venue voir quelqu'un ?

Sur cette terre vallonnée de ruines ordonnées et trempées.
Bonnie Thellier

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Re: de profundis    Jeu 23 Juil - 11:11

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C'est toujours le deuil d'un vœu, Le dernier vers d'un poème.
Partir, c'est mourir un peu.
C'est mourir à ce qu'on aime.

- Edmond Haraucourt -

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Si elle s’était doutée, Bonnie, que des années bien après, Dame Bonnet serait allongée-là, à côté d’Hélène, et que les tambours battants des regrets résonneraient au fin fond du coeur. Des regrets pour Agnès, pour Jon bien sûr, et peut-être même pour toi. Mais elle n’en savait encore rien, Bonnie, elle n’avait que dix-sept ans, actuellement, elle était encore cette gamine que tu connaissais si bien, que tu avais vu grandir à tes côtés. Ô enfants qui se cherchent, qui se complaisent dans un quotidien qui parfois sonne le coche sinistre de Paris.

Les scintillements de la pluie contre les pierres, les tombales, les racines et les caveaux. Ton quotidien. Celui qu’elle commençait à connaître peu à peu, force de venir te trouver dans ton antre. Si seulement, parfois, tu en sortais. Si seulement, elle pouvait t’en faire sortir. Mais maintenant, elle n’avait plus peur, plus peur de fouler ce sol qui à certains, donnerait des airs d’effrois, qui à d’autres, glisserait des frissons sur l’échine. Non, elle positive, se disant, que ce n’est finalement, que le simple repos des braves. Que l’on peut trouver une part d’apaisement, de calme que l’on ne trouve dans nul autre lieu dans Paris, que l’on ne trouve qu’à ton bras.

Peut-être que dame Hélène n’est qu’un prétexte finalement. Peut-être qu’elle n’est venue que pour toi. Car elle en avait besoin. Besoin de parler, car tu sais écouter, tu sais lire dans ses yeux de gamine, le gamin que tu es.

“Je suis venue voir Hélène. Dame Bonnet m’a demandé d’aller lui murmurer quelques gentils mots. Elles étaient proches, tu le savais ?”

Peut-être que oui. Peut-être que c’est là où tout a commencé, finalement, entre vous deux ? À douze ans, encore deux enfants, au regard filant. Au sourire de Bonnie face au creux du tien. Et ce jour-là, en silence elle s’était juré de l’ensoleiller, de le rendre, un peu plus vivant.

“Toi, aussi. Je suis venue te voir, aussi.”

Comment ne pas le faire, alors que tous ces changements lui tournaient la tête. Elle était partie de chez monsieur Thellier, sonnant l’heure de l’indépendance et d’une nouvelle vie. Alors, comment ne pas venir te le partager ? Te demander ton avis, te partager le sien. Se dire, que de cette nouvelle vie, tu pourrais faire un bout de chemin avec elle ?

Elle lâcha ton bras, toujours dans son manteau trop grand, le regard sur la rune gravée face à vous. Elle lâcha ton bras même si elle aurait pu le tenir pendant dix ans.

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Re: de profundis    Jeu 23 Juil - 14:07

Elles étaient proches ?
Elles le seront de nouveau un jour prochain.

Léonce observe la tombale avec considération, cheveux bruns cramponnés à sa nuque trempée. Une zone que le manteau ne protège pas. En fait, ce manteau ne protège pas de grand-chose. Mais il éloigne les autres.

- C'est quoi que tu dois lui dire ?

L'azur de ses yeux se lève lorsque Bonnie prend la parole.
Elle est paisible sa voix à Bonnie. C'est doux. C'est inattendu, ici. Elle a lâché son bras, parce que c'est vrai qu'elle le tenait. Et là où ses doigts étaient, Léonce pose les sien.
Parfois lui aussi on se demande s'il est vivant.

- Tu vas attraper froid.

Le manteau ça ne protège pas tout, il le sait parce qu'il en porte un aussi.
Et il retourne à son silence. On ne sait pas dire, est-ce que ça dure dix minutes, dix ans ? Est-ce que Bonnie est toujours là à côté de lui ? Est-ce qu'il existe encore pour elle.

- Tout à l'heure je dois aller voir comment papa et maman vont. Je dois. Il faut. Mais je ferai ça après manger. J'ai rien encore, dans le ventre. Toi aussi ? Il y a de quoi faire chez Gustave. Il laisse les gens prendre.

La faim, un moyen de sortir Bonnie du rideau de l'eau.
Mais d'abord, il attend qu'elle ait raconté les nouvelles du jour à Hélène.
Bonnie Thellier

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Re: de profundis    Ven 24 Juil - 22:01


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Ta curiosité détonne. Les mots murmurés aux morts sont parfois doux, parfois amers, ou bien fades. Mais les mots sortent du coeur, et Bonnie ne sait pas si elle a vraiment les épaules pour ce genre de mots.
Bien sûr, pour faire plaisir à Dame Bonnet, elle est venue, pour te voir aussi, elle est venue. Mais face à l’acte, face au point final, elle ne sait vraiment comment réagir, noblement face à la tombale qui la regarde, qui la fixe avec insistance.

“Je… Je ne sais pas trop… Je voudrais lui dire des choses à la hauteur de la femme qu’elle était. Mais… Je ne sais comment m’y prendre.”

Alors, d’un pas léger, de ceux qu’on lui connaît tant, elle ramasse quelques galets, quelques graviers dans le creux de sa main. A gauche, droite, elle chemine pour choisir les plus beaux, aux belles couleurs, comme quand elle choisit les matériaux les plus ravissants pour ses propres créations. Puis une fois sa quête terminée, elle s’approche de la sépulture, et sous le ciel pleureur y dépose les pierres en forme de croix, dans un monde, où la religion n’est plus reine.
Mais Bonnet lui avait glissée qu’Hélène était une de ces religieuses, de celles qui ne s’assumait plus, de celles dont la foi s’était perdue. Alors, par ce geste, un dernier hommage dans un silence de plomb, seront les mots de Bonnie, car elle avait toujours préféré les actes face aux promesses.

Et tu t’inquiètes. Tu auras froid, toi aussi. Bonnie papillonne, les cils trempés se figèrent sur toi, le sourire au creux, elle s’en perdrait dans l’azur des tiens. Que la pluie tombe ou que le vent souffle, elle n’en tient guère importance, car elle n’est pas du genre à faire attention. Mais toi oui. Tu es là, pour ça finalement. Et elle s’y conforte, une habitude qu’elle n’aurait peut-être pas due.

“Ho ! tu passeras le bonjour à ta mère alors. Cela fait un moment que tu ne les as pas vus ? “


Qu’elle prenait ses aises Bonnie. Quelques thés, des petits gâteaux, et voilà qu’elle prenait Solange comme une bonne amie. Quelle impertinence, des fois, Bonnie. Mais, c’était ton monde, c’était ton univers, et pour en faire partie, il fallait qu’elle creuse un peu, qu’elle s’approprie certains méandres et certains faits qui t’entouraient.

Le ventre gargouille. Depuis la veille, rien n’avait été avalé. Un bon repas était alors le bienvenu, et tu apportais la solution sur un plateau d’argent. Un sourire se dessina, te fixant, le bienveillant que tu étais.

“Avec plaisir. Non je n’ai pas mangé encore… depuis hier. Tu es sûr que Gustave ne dira rien ?”


Elle te croyait, elle te suivrait au bout du monde. Mais ne voulait pas se faire passer pour mendiante ou pour gamine de la misère, qu’elle était déjà.

“Allons-y, je te suis.”


Derrière toi, elle marchait dans tes pas. Sillonnant ta carrure bien plus grande qu’elle. Elle lui était familière, mais elle n’aurait su définir comment. En bon ami ? L’ami qui fait battre un coeur un peu plus fort à chaque fois ? Elle n’aurait su dire. Mais parfois, les mots ne suffisent pas, c’est comme les morts, parfois les mots ne sont pas assez forts.

“Léo ? J’ai une grande nouvelle à t’annoncer, mais attendons d’être au chaud.”

Elle aurait voulu te le crier, là, maintenant. Elle aurait voulu t’en dire des choses, des confessions, des murmures d’interdictions. Pas assez courageuse. La nouvelle d’aujourd’hui, ne concernait qu’elle. Ne concernait que son avenir, à elle.
Mais au fond, tu en faisais partie, non ?

Et c’est sur ces pensées, que la fine brume se transforma en pluie battante, résonnant aux battements du coeur de Bonnie, de son regard posé sur ta nuque trempée.


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Re: de profundis    Dim 26 Juil - 20:28

- La plupart des gens que je vois ils font ça sans même parler.

Et il en a vus, Léonce.
Des endeuillés, des errants et des éclopés qui ont perdu un morceau d'eux. Certains perdent une jambe et se retrouvent sur le brancard ; d'autres perdent l'amour de leur vie et viennent ici leur rendre visite jusqu'à ce qu'un jour ils partagent à nouveau le même lit.  

Son visage remue et chasse les gouttes d'eau qui s'accumulent sur ses mèches brunes.
On dirait que le sol s'effondre, coule de fange et les avale comme des sables mouvants.

- Maman ? Non, c'est rare. Elle travaille pas ici.

Les cadavres c'est pour papa.

- Je dois aller à la maison l'aider. Toute seule elle peut pas.

Et les cadavres ça prend du temps.

- Viens. Il y a des brioches avec du lait d'amande un peu.

Léonce attrape la manche de manteau à Bonnie. Il tire mais c'est léger, assez pour l'inciter à la mise en route. Et puis après il libère, montre le chemin jusqu'à la cabane du gardien.
Quand il entend que Bonnie a quelque chose à lui dire, l'azur de ses yeux se tourne vers elle et jauge en silence. De quoi peut-il bien s'agir. Il se demande si c'est pour cette raison qu'elle est là de si bon matin. La majorité des gens se lèvent tôt pour le travail, mais pas Bonnie. Bonnie elle se lève tôt pour rejoindre le cimetière.

Il se garde de tout commentaire pour l'instant cependant et s'enfonce dans la terre mouillée dans laquelle son empreinte s'imprime en une route assurée jusqu'aux marches d'une bicoque, carreaux aux rideaux fermés. Pierre sale et froide.

En poussant la porte, un parfum chaud et sucré les accueille. Pluie battante qui se tait sans toutefois s'arrêter de frapper la tôle, table en bois avec corbeille à pain et bouteille au liquide blanc immaculé.
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